Les zoos, arches de Noé dans un monde en crise ?
Les zoos, arches de Noé dans un monde en crise ? C’est ce qu’ils affirment.
Depuis que la biodiversité s’effondre dramatiquement sur toute la planète, les parcs animaliers n’ont jamais eu autant de succès qu’aujourd’hui. Le public s’y sent rassuré. Plus besoin de se faire du souci ! Ici, les animaux sont bien, pense-t-il. Ils sont à l’abri, ils ont à manger et leurs génomes seront sauvés.
Comment en est-on arrivé là ? Les zoos ont-ils toujours tenu ce rôle salvateur d’Arches de Noé payantes sur une Terre en surchauffe ?
Au Zoo d’Anvers, en 1950, de jeunes chimpanzés étaient couramment importés en nombre du Congo belge par la compagnie aérienne Sabena. Ces enfants avaient assisté au massacre de leur famille, supporté l’horreur du voyage et n’étaient pas destiné à durer. Le zoo se souciait peu alors de « programmes de reproduction », puisque les populations de grands singes africains étaient encore abondantes et que chasseurs, empailleurs et collectionneurs puisait sans vergogne dans le cheptel colonial. Certes, des naissances, survenaient mais il s’agissait le plus souvent d’un heureux accident.
La société zoologique d’Anvers était considérée comme un organisme scientifique de haut niveau, bien qu’il ne découvrit jamais que les grands singes gardés dans ses cages pouvaient se faire la guerre, se servir d’outils ou chasser les colobes.
Les ambitions commerciales des quelques grands zoos européens étaient limitées, car la plupart d’entre eux étaient subventionnés par les pouvoirs publics. On y allait un peu comme au musée.
Aujourd’hui, les programmes de conservation et de reproduction in situ sont constamment mis en en avant, comme pour justifier la bonne foi des grosses sociétés commerciales qui font tourner les attractions animalières.
« Le ZooParc de Beauval soutient de nombreux programmes de conservation et protection des espèces animales, aux quatre coins du monde. Cette association œuvre pour le maintien des espèces menacées dans la nature et la préservation de leur habitat naturel. Parmi ces espèces, des animaux peu connus du grand public mais extrêmement vulnérables tels le saola ou le langur de Douc ». s’exclame l’un.
Et l’autre d’assurer: « Par la sensibilisation du public, la participation à des programmes d’élevage ou le financement d’associations de protection de la nature, le zoo de Lille s’engage pour la conservation des espèces animales et des milieux naturels menacés ».
Pendant ce temps-là, pourtant, les zoos et delphinariums chinois, leurs chers partenaires de l’AZA, prennent des proportions proprement monstrueuses en Chine et déciment la faune sauvage à grande échelle.
Tigres, ours polaires, orques, dauphins rares, grands singes, requins baleine, éléphants du Zimbabwe, tout y passe pour attirer le client au nom de la conservation de l’espèce. Plus la nature se dégrade, plus les zoos s’enrichissent en la pillant tout en prétendant désormais oeuvrer pour la sauvegarde la biodiversité et en exhibant qui un panda, qui un chat-ours d’Indonésie ou un koala.
Mais quand et comment ces nouveaux habits vertueux ont-ils été enfilés ?
Très vite.
En Chine, zoos et delphinariums prennent des proportions monstrueuses et déciment plus que jamais la faune sauvage à grande échelle.
Le jour où les zoos sont devenus des arches de Noé
La défense de la biodiversité dont les zoos se proclament aujourd’hui les champions, n’a finalement jamais été qu’un leurre, un bouclier stratégique créé de toutes pièces à seule fin de contrer les mouvements anti-zoo.
Force est de constater que cette théorie est aujourd’hui devenue un dogme.
Les médias nous serinent sans cesse que le but ultime de ces établissements constitueraient l’ultime solution pour sauvegarder des espèces en voie d’exticntion et que seule la reproduction en captivité seraient à même de les sauver dans un monde naturel réduit en cendres.
En réalité, cette Théorie de l’Arche est une notion neuve, arrivée sur le tard, après des siècles et des siècles d’exploitation animale purement lucrative, ainsi que nous le révèle Pierre Gay dans son excellent livre « Des zoos pour quoi faire ? » publié en 2005.
« En juin 1985, les directeurs des zoos d’Anvers, d’Amsterdam et de Rotterdam invitèrent leurs collègues européens à Anvers. Ordre du jour : la coordination des programmes d’espèces menacées en captivité.
Ce fut un flop parfait : cinq directeurs prirent la peine de se déplacer, pas un de plus. C’est pourtant de ce ratage que naquit le concept des EEP, les programmes d’élevage européens. Une seconde réunion, à la mi-novembre de la même année, remporta plus de succès. Elle se tenait à Cologne et vingt-six zoos, appartenant à neuf pays y participèrent.
L’indifférence avait soudain laissé la place à une véritable passion pour l’union, et il y avait une raison précise à cela. Depuis des années, Peter Singer, un Australien, bataillait contre les zoos. En 1975, il avait publié en Angleterre «Animal Libération», un livre qui vouait tous les zoos aux gémonies.
Il avait engendré un véritable mouvement d’opinion qui, au fil des ans, avait grossi et grandi.
En France, la bataille contre les zoos avait perdu de sa violence au début des années 1980, à partir du moment où ils avaient communiqué, expliquant leur travail pour améliorer la conditions de vie des animaux.
Mais surtout en éclairant leurs ratés : animaux morts d’accidents ou de maladies en particulier, ce qui désamorça les rumeurs sur les mauvais traitements.
La guerre s’était porté sur un autre terrain, feutré et dangereux : les couloirs de Bruxelles.
Un lobby anti-zoo, très actif, très efficace, (Gaia et PETA, notamment) militait pour leur fermeture. Il fallait se battre, et avec les mêmes armes. Des réunions succédèrent aux réunions, pour mettre au point une stratégie, coordonner les messages.
En 1988, une vingtaine de zoos se regroupèrent des établissements reconnus comme ceux de Londres, d’Amsterdam, ou d’Anvers. Ils fondèrent une association, l’ECAZA (European Community of Zoo and Aquaria) équivalent européen de l’AZA américaine. Le Président en était Fred Daman, le directeur du zoo d’Anvers. Le couteau entre les dents et le dossier sous le bras, il se lança à l’assaut des bureaux bruxellois. Et il gagna ».
Pierre Gay raconte aussi les débats qui faisaient rage autour des zoos de l’époque.
« Pour un gibbon arrivé vivant dans sa cage, plusieurs dizaines mouraient entre la capture et la livraison.
Des hommes se battaient contre ce scandale : Pierre Pfeffer en particulier et Jean-Claude Nouêt, qui devait fonder la Ligue des Droits de l’Animal en 1977.
Ils menaient une campagne virulente contre le commerce des animaux et les zoos en particulier, parce que ceux-ci étaient la victime du trafic. Selon lui, les films à la télévision, les photos dans les magazines et les spécimens empaillés suffisaient à informer et à faire rêver.
Pierre était plus nuancé, il savait que rien ne remplace le contact direct avec la vie. Il acceptait l’idée d’une exposition d’animaux qui n’étaient pas menacés, assez robustes pour résister à la captivité, et qui se reproduisaient sans problèmes.
Dans le cas d’espèces en danger, il préconisait des stations de sauvetage, à l’abri de la foule.
Tous deux étaient sincères, animés par la même révolte : ils défendaient leur cause avec virtuosité et les médias leur donnaient mille occasions de s’exprimer. Je les ai rencontrés à plusieurs reprises, afin de chercher avec eux quel pourrait être le zoo du futur, respectueux des espèces sauvages, apprécié du public.
Je penchais pour une exposition d’animaux liés à l’homme : des lamas, par exemple, des watusis, ces vaches africaines aux grandes cornes, des dromadaires et des chameaux.
Plus je pensais à ce projet, plus le spectacle des hyènes ou des lions enfermés me semblait absurde, insupportable. Je n’étais pas le seul à réagir ainsi : sans cesse, des articles paraissaient, qui accusaient les zoos d’être des lieux de l’horreur, menés par des hommes sans scrupules, qui réduisaient les bêtes en esclavage ignoble pour s’enrichir.
Le public continuait de venir se promener en famille dans nos enclos, mais cela ne suffisait pas à me rasséréner : cet émerveillement des enfants, cette curiosité des parents justifiaient-ils l’emprisonnement des bêtes ? ».
Le regard d’un chimpanzé en cage au zoo d’Anvers. Il y a quelque chose d’obscène à livrer ces hominidés captifs au regard d’autres hominidés… Photo YG
La victoire de Fred Daman
Mais lisons la suite :
« La victoire (de Fred Daman) ne fut définitivement acquise qu’après la conférence des Nations Unies à Rio en 1992, qui adoptait la Convention sur la diversité biologique. L’année suivante, en réponse à Rio, les zoos officialisèrent une « stratégie mondiale pour la conservation ». Elle s’articulait autour de quatre axes : loisirs, éducation, recherche et conservation.
A partir du moment où l’action des zoos s’inscrivait dans le programme des Nations Unies, plus personne ne pouvait menacer leur existence.
Pour en revenir à la réunion de Cologne, les participants décidèrent de lancer 19 EEP.
Parmi les heureux lauréats, figuraient l’okapi, le gorille et le bison d’Europe.
Tout le jeu consiste à gérer le capital génétique représenté par différents animaux d’une même espèce dans les différents zoos. Il est indispensable de tenir une généalogie précise de chaque individu, de centraliser les informations afin d’avoir une image exacte de la situation de l’espèce à n’importe quel moment .
Pour chaque EEP, un coordinateur est chargé, pour l’Europe entière, de tenir un stud-book, livre de généalogie animale. En fonction des informations dont il dispose, il organise les mariages et les déplacements afin d’assurer le brassage génétique.
Dans le cas d’une espèce qui se reproduit beaucoup, il peut parfaitement conseiller de limiter les naissances au nombre nécessaire à la bonne marche du projet, et ceci à cause du manque de place dans les zoos.
Les zoos de l’Europe de l’Est pouvaient participer mais ils ne pouvaient pas s’inscrire parmi nous. En 1992, le mur de Berlin est tombé. Dès que le dernier «vopo» eut quitté la frontière, ils nous rejoignirent et, lors d’une réunion à Stuttgart, l’ECAZA est devenue l’EAZA, la prestigieuse Association Européenne des Zoos et Aquariums.
Notons qu’aucun critère de choix n’est donné.
Chaque zoo décide lui-même quelle espèce il va «protéger» sur base de la liste de l’IUCN et en fonction des réglementations CITES.
Au départ, une liste de 19 animaux avait été dressée, mais aujourd’hui, libre au zoo de choisir les espèces les plus payantes, mais pas nécessairement les plus menacées.
Ainsi, même si la Belgique compte bon nombre d’espèces indigènes au bord de l’extinction, on aura bien peu de chances de jamais voir des hirondelles rustiques, des loutres européennes, des martres, des putois, des fouines, des hermines, des belettes, des muscardins ou des musaraignes carrelet dans un zoo belge !
Mais des tigres blancs, si ! Alors qu’il s’agit d’une mutation artificiellement entretenue par les zoos eux-mêmes !
Muscardin. Aujourd’hui transformé en animal de compagnie mais trop petit pour les zoos. En plus, ils dorment tout le temps.