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De Paradiso à Pairi Daiza

Bec en sabot à Pairi Daiza. Photo Rui Mendez


De Paradisio à Pairi Daiza

Pairi Daiza, le paradis des éléphants ?


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Sammy, un éléphant de 18 ans est mort d’une « cause inconnue » le 3 juillet 2009

Sammy vivant
Il avait 18 ans, soit 5 ans de plus que sa période d’adolescence.
C’est qu’on meurt jeune chez les nés captifs, éléphants comme dauphins…

Pas doute : on s’amuse bien au Parc Pairi Daiza et l’endroit est superbe.
D’une vieille abbaye tombée en ruines, son directeur, Eric Domb, est parvenu à faire naître un zoo d’un nouveau genre, offrant plus d’espace aux animaux captifs, plus d’activités aussi et de stimulations que n’importe quel autre parc de ce type en Belgique.

Les éléphants, notamment, bénéficient de conditions d’accueil supérieures à la moyenne des autres zoos.  Mais derrière ce décor de rêve, derrière les rires des enfants – et le regard farouche des rapaces dressés – se cachent d’autres réalités soigneusement tues.

Qui se souvient de Sammy, par exemple ?
C’était pourtant le père des éléphanteaux qui se baignent joyeusement et aspergent les spectateurs à grands jets de trompe. Mais que l’on ne se leurre pas : ces jeunes éléphants ne resteront pas éternellement sur place et quitteront un jour leurs mamans.

Un jour, ils partiront à leur tour vers d’autres zoos, moins prestigieux, moins bien tenus, du fait du manque de place.  C’est ainsi que les choses se passent pour les dauphins nés captifs ou des orques comme Shouka arrachés à leurs familles.

Pourquoi ? Parce qu’un parc ou un delphinarium, ce n’est pas extensible à l’infini !
Mais tant qu’il y a des bébés, le chiffre d’affaires grimpe, toutes les statistiques le prouvent et l’ours polaire Knut; aujourd’hui castré et dépressif, ne vous dira pas le contraire…

Pas de passé, pas de futur pour ces nouvelles attractions vivantes, qui ne savent plus depuis longtemps à quoi ressemble une forêt ou une mer.
Pas de souvenir non plus pour les visiteurs, plongés dans l’instant présent et juste soucieux de prendre du bon temps dans un décor paradisiaque, on ne peut le contester.

Sammy , donc, a beaucoup voyagé.
Oh non, pas à pied, comme les éléphants aiment tant le faire, parcourant des centaines de kilomètres, leurs pattes à l’écoute des infrasons émis par les tribus voisines  mais en camion, sans doute.
Né captif au sinistre Zoo de Vincennes  le 27 mars 1992, il a ensuite été transféré à l’’Amersfoot Zoo non loin d’Amsterdam, pour passer ensuite au Rotterdam Zoo (Diergaarde Blijdorp) et puis enfin au Parc Paradisio, devenu depuis lors le Parc Pairi Daiza.

Il y est mort « d’une cause inconnue » le 3 juillet 2009.
Et si c’était le désespoir, tout bêtement ?
Ou d’un coup de chaleur, comme l’éléphante Vilja âgée de 61 ans morte au zoo de Stuttgart  «Wilhelma» malgré tous les efforts de ses gardien pour garder son sang-froid . Les vétérinaires ont confirmé que Vilja avait subi un collapsus circulatoire et qu‘elle s’est écroulée dans le fossé sous les yeux épouvantés des spectateurs, sous les caresses de ses compagnes et au grand désespoir de ses dresseurs ?

Vilja, capturée libre, était arrivée au Zoo de Stuttgart en 1951 et fut si populaire que son image a servi de logo officiel au zoo.
Le gardien Volker Scholl, en deuil, a déclaré à son propos ces mots qui en disent plus que tout autre sur la formidable personnalité des éléphants :
«Elle était la plus importante ici, non seulement par la taille. C’était une femme réelle « 

Il a ajouté qu’elle semblait en bonne santé jusqu’à la fin et qu’au jour de sa mort, elle se jetait de la boue sur les épaules pour rester au frais.

En ce qui concerne Sammy; – mort à 18 ans plutôt qu’à 61 ! – la cause du décès semble être l’épuisement  – sa vie fut un enfer – et l’isolement forcé.
On sait que les éléphants mâles – à l’image des « bachelors » cachalots ou des Trios de dauphins – constituent des groupes organisés vivant en parallèle avec la société des femelles, très liées à leurs enfants, leurs soeurs, leurs cousines ou leurs amies. Il était jeune aussi et donc bien plus fragile que les « founders » capturés en mer ou en forêt , eux qui ont pu bénéficier d’une vie normale un temps durant et ne sont pas nés derrière les barreaux d’une prison.
En outre, Sammy, lui, était seul.

Groupe d’éléphants mâles. Les plus jeunes -ayant quitté leurs mères à l’adolescence, vers 13 ans, s’associent aux plus anciens et les accompagnent souvent jusqu’à la mort, soucieux d’apprendre et de comprendre auprès de leurs aïeuls.

 

Le papa de Sammy s’’appelait Siam : capturé en Thaïlande en 1945, il est mort du mal habituel qui frappent la plupart des éléphants contraints à une quasi-immobilité sur des dalles de béton : d’une infection des pattes, atrocement douloureuse.

Ce pauvre éléphant, mort en 1997, a également eu la «chance» de se faire battre et humilier à coups de batte de base-ball par les dresseurs du Circus Knie, en Suisse, dont un éléphant désespéré a tenté deux fois de s’enfuir et se voit puni pour ça !

C’’est de cet ignoble cirque que viennent d’ailleurs deux autres matriarches du Parc Pairi Daiza, Sandry , âgée de 11 ans, née captive et Claudy, capturée en Thaïlande en juin 1963. Il est clair qu’elles sont mieux en Wallonie et traitées de façon plus humaine !

éléphant clown en Thaïlande. Et tant pis pour l’arthrose

Notons que Siam, comme étalon professionnel, a engendré pas moins de quatorze, dont des jumeaux. La plupart d’entre eux sont morts aujourd’hui, à l’exception de Kim, de Nina et de Thisam, répartis un peu partout dans le monde très loin de leur famille…

La maman de Sammy, Billy, avait 27 ans quand elle est décédée pour une raison inconnue (comme son fils !) le 31 août 1992.
Elle fut pour sa part capturée à l’âge de deux ans en Asie du sud-est, avec le traumatisme de séparation que l’on imagine chez un bébé éléphant.
Elle a donné naissance à 5 rejetons, apparemment toujours vivants aujourd’hui. Elle aussi eut la chance de profiter des charmes  du Zoo de Vincennes, à Paris, l’un des plus mal gérés du monde mais qui se refait une beauté, paraît-il…

Bref, on le voit, et même si le gérant du Parc Pairi Daiza a donné aux rescapés du Cirque Knie, l’un des cirques parmi les plus immondes qui fut jamais, un espace de vie davantage adapté à leurs besoins physiques et psychiques (de l’eau, de l’herbe, et des occupations quotidiennes), il n’en demeure pas moins que l’histoire de ces éléphants captifs reflète de façon accablante la souffrance intense que l’on impose à des êtres dignes et nobles, dotés de capacités cognitives inouïes et de culture propres, notamment en ce qui concerne le sens de
la famille, la solidarité, la compassion à l’égard des blessés ou des handicapés, et le respect du aux défunts.

Un pneu pour Tina

Rappelons enfin que Sammy, venu du Zoo de Rotterdam, est arrivé au Parc Paradisio afin de participer à un programme de reproduction dans le cadre de l’EEP « European Endangered Program » dont on sait pourtant à quel point il s’agit d’une vaste blague  en ce qui concerne les grands mammifères. Combien d’éléphants ont pu être réintroduits en milieu naturel depuis qu’on tente, avec plus ou mois de succès, de les faire se reproduire ?  Aucun.

La théorie rapidement ficelée de la Théorie de l’Arche par M. Fred Daman a de beaux jours devant elle, surtout quant il s’agit de justifier l’injustifiable !
Mais quel autre otion, aussi, dans un monde envahi ar l’Humain, où les esapces sauvages dispariassent peu sous les scies-sauteuses des entrepreneurs chinois ?

Attention, donc ! Outre les rapaces soumis à des dressages curieux et à des conditions de détention contestables, le Parc semblent aujourd’hui doucement dépasser les bornes et à remplir un espace au départ immense mais de plus en plus peuplé de cages, d’enclos ou d’aquariums.

 


 

Existe-t-il de « bons zoos » ?

Il existe à tout le moins quelques rares parcs animaliers qui tentent une voie médiane, susceptible tout à la fois d’augmenter leurs bénéfices et de répondre à la demande des visiteurs (une belle journée de loisirs en famille) tout en respectant, autant que faire se peut, les besoins socio-éthologiques des animaux non-humains détenus.  On l’a assez souvent répété sur ce site : les zoos sont par essence les temples de l’anthropocentrisme, le plus flagrant aveu d’échec de notre façon de gérer le monde et ses divers habitants, humains ou non.

A la fois responsables de la disparition de certaines espèces jusqu’au milieu du siècle dernier et seuls capables aujourd’hui de sauvegarder les mêmes, les zoos livrent également ce message pernicieux aux enfants, leur principal coeur de cible :
« Nous, Humains, sommes des êtres supérieurs. Toute la Nature nous appartient, nous en disposons librement. Nous  mangeons, nous torturons en laboratoire, nous enfermons à vie tous les animaux que nous voulons sous la contrainte, sans considérer leur volonté propre. Nous les exposons comme s’ils n’étaient que des objets, les tableaux d’une exposition ».

On perçoit cependant aujourd’hui une tendance de ce jeune public à réclamer un bien-être accru et de meilleures conditions de captivité pour les lions, girafes, éléphants, grands singes et autres hippopotames qui se doivent de figurer au menu de tout zoo digne de ce nom.

Certains gestionnaires de ce type d’établissements ont su entendre cet appel.
Pour des raisons financières, bien sûr, mais aussi, comme le rappelle Pierre Gay dans son excellent ouvrage « Des zoos pourquoi faire ? », parce qu’ils se soucient eux-mêmes beaucoup de la bonne santé mentale et physique de leurs détenus, du moins en Europe.

Depuis la mise en place des réglementations CITES réduisant les taux de captures en milieu sauvage, il s’agit en effet de faire survivre aussi longtemps que possible les animaux captifs et de les faire se reproduire au nom de la « conservation de l’espèce ». Rappelons que les zoos ne se sont présentés en tant que « protecteurs des espèces menacées » que tout récemment, à l’initiative du Directeur du Zoo d’Anvers, Fred Daman, créateur de l’EAZA.

Ours blancs au Parc de Aywaille, en Belgique. Photo YG 06

 

Même si le Zoo d’Anvers et le parc de Planckendael ont fait des efforts importants en ce sens, le Parc Paradisio, qui dispose de beaucoup plus d’espace, constitue à cet égard une sorte de modèle pour la Belgique. Modèle encore largement perfectible, certes, mais qu’il convient cependant de mettre en exergue à l’heure où ce qui reste de la « faune sauvage » doit non seulement être sauvegardé en tant « qu’espèces en voie de disparition », mais également être envisagée comme un ensemble d’individus uniques, détenteurs d’une histoire propre, d’une conscience de soi et de savoirs dignes d’être conservés en tant que des chefs-d’oeuvre immatériels en péril, infiniment plus irremplaçables que les Bouddhas détruits par les Talibans à Bamyan…
Ces savoirs « exotiques » s’avèrent en outre indispensables à l’élargissement de l’intelligence humaine, moins parfaite qu’on ne croit.
Songeons par exemple à la pharmacopée des chimpanzés ou aux dialectes des dauphins

Or, derrière les barreaux d’une cage, ces savoirs se perdent dès la deuxième génération.
Les zoos sont responsables d’un formidable génocide culturel.

Pour préserver ces moeurs et coutumes non-humaines, non pas implantées génétiquement dès la naissance comme chez les insectes, mais bien inventées, acquises et transmises de génération en génération, ces connaissances et ces  techniques propres aux grands mammifères et à certains oiseaux, il n’existe que deux solutions :

– soit stabiliser la situation politique, économique et sociale des pays d’origine des animaux captifs, afin de pouvoir réhabiliter ces derniers au sein de grands parcs nationaux, sans qu’ils risquent de s’y faire exploser les pattes par une mine anti-personnelle comme les éléphants tamouls ou de se voir transformé en viande de brousse comme les gorilles du Congo.
De tels parcs, rappelons-le, sont également une ressource de revenus touristiques pour les populations locales (Pygmées, Masaï, Indiens d’Amazonie, etc…), dont l’environnement traditionnel et les cultures sont ainsi également préservés.

– soit créer des espaces clos mais immenses, des « réserves » où l’animal détenu bénéficie d’une existence aussi proche que possible de celle qu’il aurait connu en liberté. Certains grands sanctuaires pour éléphants ou autres chimpanzés de laboratoire sauvés de justesse s’en approchent.

Photo copyright Patricia Willocq 2007

 

Le Parc Paradisio tendrait plutôt vers ce dernier type de solution.
Son directeur maintient en tous cas la même démarche éthique annoncée dès la création de son parc, celle d’offrir autant d’espace, de liberté et de stimulations que possible à ses animaux captifs, aujourd’hui de plus en plus nombreux – des macaques et une horde entière d’éléphants d’Asie sont annoncés en 2008 – démarche d’autant plus respectable qu’elle ne s’avérait pas, d’emblée, payante au niveau des bénéfices.

Il convient d’être très vigilant, bien sûr, mais le souci de mettre en place des enclos de qualité optimale semble ici évident et fondé sur une bonne connaissance des besoins des animaux concernés.

« L’enrichissement environnemental » est, on le sait, le parent pauvre de la plupart des zoos, le secteur où l’on investit le moins.
C’est à ce niveau, semble-t-il, que Paradisio pourrait inspirer, voire encourager nombre d’institutions belges ou françaises à évoluer (songeons aux grands primates du Zoo d’Anvers mais aussi aux ours du parc d’Aywaille, aux sangliers de la réserve animalière de Han, aux petits zoos privés en Flandres dénoncés par Gaia, au Jardin des Plantes à Paris.. ), en leur démontrant que les visiteurs préfèrent voir des animaux heureux plutôt que des malheureux encagés.

Au strict plan pédagogique, la présentation de perroquets volant librement d’arbres en arbres ou de singes écureuils chassant les insectes dans les bosquets de leur îlot, n’inflige pas aux enfants le spectacle de créatures désespérées accroupies tête basse, l’air sinistre, derrière une cloison ou une vitre, immobiles comme des statues vivantes, ce qui n’est tout de même pas la meilleure façon de faire comprendre la complexité et la richesse de notre Nature en péril aux générations futures.

Par ailleurs, répétons-le, dans un monde idéal, la communauté internationale se devrait de financer dans l’immédiat d’immenses réserves naturelles, tant en Amazonie, en Sibérie, que dans le Bassin du Congo, plutôt que de laisser se multiplier les zoos ou les aquariums, plus rentables dans l’immédiat mais qui ne pourrons jamais remplacer l’animal réel, c’est à dire celui qui se meut librement en symbiose parfaite avec le milieu de vie pour lequel son corps et son esprit ont été conçus au fil de millénaires.

Photo copyright Patricia Willocq

 

Pairi Daïza, le paradis des éléphants ?

 

Yvon Godefroid