
L’Indian River Lagoon, face à l’Atlantique
Les villages de dauphins de l’Indian River Lagoon
Les villages de dauphins de l’Indian River Lagoon n’ont ni maisons ni rues mais à l’instar des nôtres, ils regroupent sur un même territoire des communautés de personnes qui se connaissent et parlent le même langage.
En d’autres lieux, l’organisation sociale est bien différente et entraîne avec elle la naissance d’autres dialectes locaux, d’autres modes de chasse, d’autres cultures.
Les dauphins de la Swan River ne vivent pas comme leurs homologues de Sarasota Bay, des Thousand Islands ou des Bhamas ni moins encore comme nos solides Tursiops de l’Atlantique Nord.
Pas plus que la vie dans un village papou ne ressemble à celle d’une Longue Maison Jivaro ou d’un campement aborigène en Australie.

La vie sociale des dauphins est complexe et leurs déplacements incessants de « village » en « village »
Pourtant, ces dauphins résidents de Floride nous sont proches.
Ce sont eux que les delphinariums ont capturé en masse, car du fait des eaux peu profondes où ils aimaient vivre, on supposait qu’ils étaient plus aptes à survivre dans l’espace confiné des bassins que les espèces de haute mer.
Aujourd’hui encore, le Boudewijn Seapark ose écrire sur son blog :
« Bien que le bassin de delphinarium ne puisse jamais correspondre à son habitat naturel, il n’est pas vrai que les grands dauphins doivent être capables de nager sur de longues distances et de plonger profondément pour survivre. Les dauphins résidents ou côtiers vivent également dans la nature. Ces groupes de dauphins vivent dans la zone peu profonde au large de la côte, souvent avec une profondeur maximale de 3 à 5 mètres.
Nager dans la nature est principalement lié à la recherche de nourriture, à la socialisation, pour fuir les ennemis naturels ou les menaces causées par l’homme.
Par exemple, il existe un grand groupe de dauphins côtiers dans la baie de Sarasota, une baie naturelle située au large des côtes de la Floride, en Amérique. Les dauphins restent dans les eaux basses et ne partent jamais. C’est parce que cette baie est très riche en poisson. Les dauphins n’ont pas à nager des kilomètres pour trouver de la nourriture ici. La santé ou le bien-être des dauphins est donc indépendant du nombre de kilomètres parcourus chaque jour. La santé et la sécurité sont principalement liées à la disponibilité de nourriture et à l’absence d’ennemis ou de menaces ».
Et à la socialisation, comme le Boudewijn Seapark le dit lui-même, sans creuser la question.
Cela vaut mieux, d’ailleurs, car les huit dauphins de Bruges vivent en vase clos, sans rencontrer personne. Quand l’un d’eux quitte la delphinarium, c’est qu’il est mort ou bien déporté vers une autre prison aquatique « à des fins de reproduction ».
On verra dans l’article qui suit que la vie de ces « dauphins résidents » est au contraire tissée de rencontres, de retrouvailles et de visites d’amitié incessantes entre voisins.
La vie sociale des dauphins de l’Indian River Lagoon
Ils ne sont peut-être pas sur Facebook ou sur Twitter, mais cela n’empêche pas les dauphins de tisser des réseaux très dynamiques et complexes de parents et d’amis.
C’est ce que nous confirme une récente étude menée par des scientifiques du Harbor Branch Oceanographic Institute (HBOI) de la Florida Atlantic University.
Les dauphins sont naturellement connus pour être des animaux très sociaux, mais une équipe de chercheurs a voulu se pencher de plus près sur les interactions entre les Grands Dauphins résidents de l’Indian River Lagoon (IRL).
A cette occasion, l’équipe a découvert comment les cétacés se déplacent d’une groupe à l’autre, et avec qui ils choisissent de passer leur temps.
Les chercheurs de l’HBOI ont étudié les interactions entre les dauphins sur une période de 6 ans et demi. A cette fin, ils ont fait usage des techniques les plus sophistiquées en matière de photo-identification. Ils ont ainsi pu en apprendre davantage sur les divers schémas d’associations entre dauphins, mais aussi sur leurs déplacements et sur leurs lieux de résidence préférés.

Indian River Lagoon
L’Indian River Lagoon regroupe en fait trois lagons : le Mosquito Lagoon, la Banana River et l’Indian River, le long de la côte Atlantique de la Floride.
En 1990, la US Environmental Protection Agency l’a désigné comme un «estuaire d’importance nationale », afin de tenter de préserver l’étroite voie d’eau, qui est l’un des estuaires les plus riches en biodiversité en Amérique du Nord. Il présente cinq entrées depuis la mer et rejoint l’océan à Cap Canaveral. Le lagon peut varier en largeur de 3 mètres à 9 kilomètres. Sa profondeur moyenne de 1,5 mètres, avec une profondeur maximale de 4 mètres.
Les scientifiques du Harbor Branch Oceanographic Institute ont étudié 200 individus sur une population de quelque 1.700 dauphins observés dans la voie navigable de l’Indian River lagoon depuis 1996.
Et il est apparu que tout comme nous, ces dauphins présentent des comportements de préférence et d’évitement social, c’est à dire qu’ils s’associent avec ceux qu’ils aiment bien et se tiennent à distance des personnes qu’ils n’aiment pas.
Les dauphins du Lagon de la Rivière Indienne se regroupent en communautés de cétacés associés dans une région particulière du système lagunaire, comme des petits villages.
«Notre étude est unique en ce qu’elle démontre que la configuration physique de leur habitat, ce lagon long et étroit semé de petites îles et d’anses innombrables, ont influencé les dynamiques spatiales et temporelles de ces associations des dauphins » déclare Elizabeth Murdoch Titcomb, chercheuse en biologie à l’HBOI qui a travaillé sur l’étude.
Par exemple, les communautés qui occupent les tronçons les plus étroits de l’Indian River Lagoon ont les réseaux sociaux les plus compacts. C’est un peu comme les humains qui vivent dans des petites villes et connaissent donc moins de personnes avec lesquelles elles peuvent interagir.
Cartographier l’architecture sociale des dauphins consiste essentiellement à dresser leurs « listes d’amis » et le calendriers des événements de leur vie quotidienne. Cela permet de comprendre comment les cétacés de cette région précise perçoivent et utilisent les ressources de leur environnement et comment leurs réseaux sociaux influencent le transfert de l’information, mais aussi la transmission de maladies éventuelles ».
La recherche a été publiée dans le numéro d’Avril 2015 de la revue Marine Mammal Science.
Social communities and spatiotemporal dynamics of association patterns in estuarine bottlenose dolphins
« L’analyse des réseaux a été récemment utilisée pour plonger dans la dynamique des sociétés cétacés. Peu d’études ont toutefois abordé la façon dont la configuration de l’habitat influe sur la sociabilité, précisément comment des masses d’eau linéaires limitent l’espace où les individus interagissent entre eux.
Nous avons utilisé les analyses spatio-temporelles des réseaux pour enquêter sur les modèles d’associations et structures de la communauté dans une population de grands dauphins dans un système estuarien linéaire, l’Indian River Lagoon (IRL), en Floride.
En utilisant les données d’une étude de photo-identification pluriannuelle, nous avons examiné les modèles d’association pour 185 individus collectés sur une période de 6,5 ans (2002-2008).
La population était alors fortement différenciée et organisé en 6 entités sociales distinctes, se chevauchant tout au long du lagon.
L’organisation sociale différait entre les communautés, avec certains réseaux fortement interconnectés et d’autres ne comprenant que quelques individus vaguement associés dans des configurations plus éphémères. Les associations à court terme constituaient un élément important de la dynamique fission-fusion de cette population ».

Dauphin échoué lors de la grande crise écologique de 2013.
En 2011 et 2013, plusieurs dizaines de dauphins du Lagon de la Rivière Indienne sont morts en raison de causes controversées.
Morbillivirus, algues toxiques, dérèglements écologiques provoqués par l’homme ? Les herbes marines du lagon et leur faune ont en tous cas été gravement touchées. Heureusement, il semble que les populations de dauphins aient survécu à ces drames.

Les dauphins de l’IRL ont des cultures de chasse bien à eux

Delphinarium de Bruges : rien à voir avec l’Indian River Lagoon, on en conviendra