Les orangs-outans du Zoo d’Anvers
Les orangs-outans du Zoo d’Anvers sont déjà bien oubliés. Voilà 11 ans que le zoo n’en exhibe plus dans ses cages, mais est-ce une raison de les enfoncer aussi profondément dans l’oubli ?
Dans son communiqué annonçant la naissance de Sungai, le fils de Gempa et Sinta, le parc Pairi Daiza déclare, et toute la presse à sa suite : « Sungai est le deuxième orang-outan né en Belgique. Le premier est une femelle née dans les années septante chez nos amis du zoo d’Anvers ».
Eh bien non. « Nos amis du Zoo d’Anvers » ont vu naître pas moins de sept (7) orangs-outans dans son Pavillon des Grands Singes situé au sous-sol.
Leur noms : Ursula, Edith, Kaja, Vandu, Wattana, un petit mâle anonyme et Zowie, le tout dernier.
Le zoo d’Anvers adopta aussi quelques orphelins.
Les orangs-outans arrivaient par cargo ou par avion Sabena depuis l’Indonésie jusqu’à Anvers, alors qu’ils étaient encore en bas âge.
Le plus souvent, on avait abattu l’arbre où se cachait la mère avec son enfant. Une fois l’arbre tombé, on achevait la mère et on prenait l’enfant. Les tribus locales, qui les chassait déjà avec des flèches empoisonnées, reçurent des fusils et furent vivement encouragées à ramener les petits tombés du nid aux colons hollandais ou aux aventuriers de passage.
Le zoo d’Anvers a vu ainsi défiler toute une ribambelle de petits singes roux, qui mourraient comme des mouches. Ne le chargeons pas : tous les zoos ont fait pareil jusqu’à la fin des années 80. Avant de devenir des parangons de vertu écologique luttant de toutes leurs forces contre l’extinction des espèces, les zoos ont lourdement contribué à la destruction de la faune sauvage.
Tous les orang-outans du zoo d’Anvers
Doki était une femelle capturée en 1948 à l’âge estimé de deux ans. Elle arriva au zoo d’Anvers le 1 septembre 1950 et y mourut le 25 août 1955.
Egon était un mâle capturé à une date inconnue puis transféré au zoo de Rotterdam le 3 novembre 1950.
Il faut transféré à Anvers le 17 Jul 1951 où il mourut le 5 décembre 1952
Pi-Ku, appelé aussi Chiko fut capturé vers 1958 à l’âge de deux ans et demi.
Il fut transféré à Hambourg le 25 novembre 1959 puis à Anvers le 23 janvier 1962. C’est là qu’il mourut le 22 mai 1979.
Chin-chin, nommée aussi Pin-Chin fut capturée vers 1958.
Elle transita par Hambourg le 25 novembre 1959 avant de se retrouver au zoo d’Anvers 23 janvier 1962, où elle mourut vingt ans plus, le 16 septembre 1982.
Ursula naquit au zoo d’Anvers le 1 février 1967, de Pi-Ku et Chin-Chin.
On se pressait pour aller la voir dans sa cage vitrée, seule avec ses jouets et nourrie au biberon. Elle fut envoyée à Arnhem le 27 avril 1977 . Lieu ne devait pas lui plaire, car il y mourut le 16 septembre 1977.
Elle n’avait que 11 ans.
Joop était un jeune mâle capturé aux alentours de 1964 qui arriva à Rotterdam le 28 août 1971.
Il fut amené à Anvers après le départ de Pi-Ku le 22 mai 1979. Il y mourut au lendemain de son arrivée.
Arnold fut lui aussi capturé vers deux ans en 1971.
Il arriva au zoo d’Anvers le 13 mars 1973 et y mourut le 4 janvier 1976.
Kaja ou Agnès est née 17 juillet 1973 à Anvers.
Le 5 mars 1976, elle est transférée au Zoo de Toronto le 5 mars 1976 . Le 31 mai 1979, on l’envoie à Gelsenkirchen, puis au Dvurkralv Zoo puis au Wrocław Zoological Garden puis au Zoo Brno en 1981. Elle fut renvoyée au Dvurkralv Zoo le 11 May 1984 où elle mourut, d’épuisement sans doute, le 10 avril 1990.
Edith naquit le 11 décembre 1977 à Anvers.
Elle fut envoyée au Touroparc le 25 août 1988. Nous ignorons si elle vit toujours.
Tuan, né à Cologne le 19 septembre 1978, fut amené à Anvers le 16 mars 1994.
Il le quitta le 22 juin 2007 et il vit toujours, comme on le lira ci-dessous, en 2018.
Astrid est née le 30 janvier au zoo de Rotterdam.
Elle fut transférée à Anvers le 27 décembre 1988. Ele y vécut jusque 2005, avant de partir pour Osnabruck le 25 juin 2007. Elle aussi est toujours en vie en 2018.
Bornie naquit le 18 mars 1984 à Rotterdam.
Il arriva en Anvers le 27 décembre 1988. Il fut loué au zoo de Cologne le 16 mars 1994.
Vandu naquit le 23 Nov 1994 au zoo d’Anvers. Il fut expédié à Stuttgart le 17 octobre 1995 puis loué au Jardin des Plantes à Paris
le 5 mai 1998. Il partit ensuite en Hongrie, au Nyíregyháza Zoo le 26 août 2001 puis à Hong Kong le 22 janvier 2010.
Ralfina ou Fientje fut découverte à l’âge de deux ans à l’aéroport de Roissy dans les bagages d’un trafiquant le 11 mai 1987. Elle fut transférée à Anvers le 25 avril 2000 puis repartir à Appledoorn le 20 juillet 2001, avant d’y mourir le 26 janvier 2008
Wattana, enfin est née au Zoo d’Anvers le 17 novembre 1995, des oeuvres de Ralfina. Elle fut envoyée à Stuttgart le 5 mars 1996puis louée au Jardin des Plantes à Paris. Pendant dix ans, elle s’y livra aux joies du macramé, avant de partir à Appledoorn le 3 juin 2008.
La petite guenon fut rejetée par sa mère Raphina et arriva très mal en point, avec un bras cassé, au Zoo de Stuttgart, avant de repartir au Jardin des Plantes de Paris puis de se retrouver à Apenheul. Là, enfin, en 2010, entourée de femelles plus âgée, elle a pris soin de son enfant comme sa mère n’avait jamais pu le faire.
C’est tout ? Non !
Un bébé orang-outan de sexe mâle est né le 6 décembre 1995, le jour de la St Nicolas. Il est mort le lendemain. Et il n’y eut plus jamais de naissances d’orangs-outans au Zoo d’Anvers.
Enfin, le tout dernier à naître au zoo d’Anvers se nommait Zowie.
Ce petit mâle qui eut les honneurs de la presse naquit le 14 décembre 1998. Il mourut le 28 décembre de la même année.
« Si le zoo d’Anvers doit se séparer de ses dauphins, écrivait pourtant le journal Le Soir du 23 décembre 1998 déclare, il a le plaisir d’accueillir Zowie, un petit orang-outan qui vient de naître. C’est la première fois, depuis 1995, qu’un orang-outan naît au zoo d’Anvers. Ralfina a en effet donné le jour, la semaine dernière, à un petit qui a été nommé Zowie. La naissance s’est déroulée sans problèmes.
Le groupe de quatre orangs-outans que compte désormais le zoo d’Anvers fait partie d’une sous-espèce originaire de Bornéo, particulièrement menacée. L’événement est d’importance puisque les femelles de cette sorte de singes ne donnent naissance à un jeune que quatre ou cinq fois au cours de leur vie. Elles ne deviennent fécondables qu’à l’âge de neuf ou dix ans, et les jeunes restent environ huit années auprès de leur mère. Comme Ralfina n’était pas habituée à son nouveau rôle maternel, les employés du zoo ont veillé à ce que les contacts entre la mère et le petit se déroulent de manière harmonieuse ».
Astrid et Tuan
« En ce mois de juin 2007, les visiteurs ont été très déçus de la disparition d’un couple pourtant célèbres, les deux orangs-outans de Bornéo, le mâle Tuan et la femelle Astrid » déclarait une dépêche du Soir.
Tuan a été expédié au Zoo de Chester. Astrid est partie au zoo d’Osnabrück en Allemagne.
« C’est une décision très cruelle » ont déclaré deux habitués du zoo, « Tuan et Astrid ont vécu ensemble pendant 13 ans et maintenant ils sont séparés. Ils s’aimaient profondément tous les deux. Que ressentiriez-vous si votre partenaire, avec qui vous avez vécu ensemble pendant si longtemps, vous était arraché brusquement ? »
La disparition des deux orangs-outans démontre un fois encore la froideur du traitement que le Zoo impose à ses détenus. Ces deux grands singes vivaient, il est vrai dans des conditions inacceptables, comme c’est fut le cas pour les gorilles et les chimpanzés jusqu’en 2018.
Tuan
La relocalisation de Tuan au Chester Zoo ne fut pas une sinécure. Le grand mâle a d’abord été anesthésié afin de subir un dernier examen médical. Puis il fut placé dans un container et envoyé en Angleterre. Comme d’habitude, le public fut assuré que sa gardienne favorite viendrait lui rendre visite pendant quelques temps.
Chris Herzfeld nous explique en effet dans son livre « Wattana, un orang-outan à Paris que leur soigneur préféré est pour ces grands singes une sorte de « leader charismatique », un ami, un modèle, auquel ils sont très attachés.
Mais voilà ! Le fameux « programme d’élevage international », fondement ou prétexte de l’existence des zoos actuels, fut appliqué sans tenir aucun compte des sentiments que se portaient mutuellement nos deux captifs.

Tuan en 2016
Tuan joue désormais le rôle d’un étalon.
Un fils et une fille sont nés de ses oeuvres en Angleterre afin, dit-on, de contrecarrer la disparition des orangs-outans sauvages gravement menacés à Bornéo. Même si, est-il besoin de le rappeler, jamais aucun de ses enfants ne verra jamais la forêt ni ne connaîtra la liberté.
Au contraire de celui d’Anvers, le zoo de Chester a reconstitué, pour le regard des visiteurs davantage que pour les singes eux-mêmes, le décor d’une jungle indonésienne. L’espace dont Tuan dispose est indéniablement plus vaste et mieux aménagé qu’en Belgique et comme le déclarait au moment de son départ le porte-parole du Zoo d’Anvers : « Il va se faire de nouveaux amis ».
C’est ce qu’il a fait. Mais a-t-il oublié pour autant son amie Astrid ?
Astrid
Astrid, pour sa part, a rejoint un mâle en Allemagne et là encore, on attend d’elle qu’elle engendre beaucoup de petits captifs.
La vie continue, si l »on peut dire..