Les bélugas valorisent la culture et les liens familiaux

Les bélugas valorisent la culture et les liens familiaux

Les bélugas valorisent la culture, les racines ancestrales et les liens familiaux, tout comme les sociétés humaines.
Dans une étude génétique novatrice, une équipe de chercheurs dirigée par l’Institut océanographique Harbour Branch, vient de révéler que les cétacés reliés entre eux par des liens familiaux revenaient toujours aux mêmes endroits, année après année, décennie après décennie.
Non seulement les bélugas  savent où aller et où ne pas aller, mais ils se transmettent en outre ces informations d’une génération à l’autre.

Bélugas en train de muer au large des côtes de la baie d’Hudson. La faible salinité des eaux près des embouchures favorise leur mue. Photo Winnipeg Free Press


Le béluga, aussi appelé baleine blanche ou canari des mers, est un cétacé de taille moyenne adapté aux eaux arctiques et subarctiques. 
Cette espèce appartient avec le narval à la famille des cétacés Monodontidae, mais elle est le seul membre du genre Delphinapterus.
Ces mammifères marins passent leurs étés et leur hivers en des lieux différents, où ils se nourrissent, se reproduisent, muent, socialisent et élèvent leurs petits. Certains voyagent jusqu’à 6.000 km par an !
Ces animaux très sociaux aiment se rassembler par milliers le long du rivage quand la glace fond.
Ils disposent également d’une série de répertoires vocaux et de systèmes acoustiques incroyablement sophistiqués, ce qui indique qu’ils sont capables de former des relations et des groupes très complexes.
Cependant, la question de savoir si ces animaux et d’autres non-humains sont capables de développer une culture, a longtemps été débattue, en partie à cause de la définition même de  « culture » mais aussi parce que les bélugas sont très difficiles à étudier dans la nature.

« Nous cherchions à savoir si certains bélugas retournaient là où ils étaient nés et où ils avaient grandi et s’il s’agissait là d’un comportement héréditaire », explique le professeur Greg O’Corry-Crowe, de l’Institut océanographique de Harbour Branch.
« La seule façon de répondre définitivement à ces questions est de suivre des proches parents d’une année à l’autre et d’une décennie à l’autre ».

 


Avant cette nouvelle recherche, les voies de migration des bélugas et leurs destinations culturellement héritées pouvaient être déduites grâce aux études sur les différences génétiques entre les groupes et les populations.

Les différences d’ADN mitochondrial maternel suggéraient une forte fidélité au groupe et/ou au lieu de naissance. Mais jusqu’alors, les preuves directes d’une telle philopatrie étaient rares.

Ici, l’étude s’est attachée à tous les bélugas de toutes les principales zones de concentration côtière du Pacifique Nord, dans 3 secteurs géographiques précis : le Golfe d’Alaska, les Mers de Béring-Tchouktche-Beaufort et la Mer d’Okhotsk.
Le professeur O’Corry-Crowe et ses coauteurs ont utilisé un échantillon beaucoup plus large et un ensemble de marqueurs génétiques comprenant 1.647 baleines, couvrant plus de trois décennies (1978-2010) et englobant tous les principaux groupes côtiers d’estivage dans ces zones géographiques. Ils ont analysé 1.444 échantillons pour l’ADN mitochondrial, disposé de 8 microsatellites et ont analysé la littérature à propos de 203 bélugas de l’Extrême-Orient russe.

Mère et enfant à Hudson Bay

Force fut de constater que les baleines blanches étroitement apparentées se regroupaient bien chaque année dans les mêmes zones estivales le long des côtes et que leurs parents avaient déjà été documentés sur ces mêmes sites, 20 ans auparavant.
Par exemple, les bélugas du Pacifique Nord empruntent une route migratoire particulière à travers la Mer de Béring. Selon la population, ils vont passer leur hiver à l’Ouest et au Sud de l’Alaska, ou du côté de l’Est de la Russie.
Au cours de l’été, de nombreux bélugas se dirigent vers le Nord à travers le détroit de Béring jusqu’aux eaux de la côte Nord de l’Alaska et de l’Arctique canadien, tandis que d’autres se déplacent moins loin, vers les baies de Russie et de l’Alaska. Les cétacés suivront assidûment ces mêmes routes maritimes, n’en changeant que si la glace de mer présente un aspect très différent des conditions habituelles.

« Nous réalisons maintenant que les bélugas se lancent chaque année dans cette odyssée complexe, en affrontant probablement beaucoup de périls en chemin. Durant ces déplacements dictés par la tradition, nous pensons qu’ils nouent et entretiennent des associations d’une durée de toute une vie avec des parents proches.
Ainsi, ils s’aident les uns les autres à affronter les défis et à réussir dans la vie, que ce soit pour se reproduire, se nourrir ou muer »
explique O’Corry-Crowe.

 


Les tribus de bélugas n’étant pas aussi structurées que le sont celles des orques, dessiner une carte de leurs comportements migratoires n’est pas une mince affaire.
Les groupes peuvent varier entre 40 à 50 individus et certains peuvent même compter des milliers de personnes, comme au large de l’île Somerset. Ces groupes sont souvent constitués par les membres d’une même famille, mais lors des grandes migrations collectives, différents clans peuvent s’entremêler, prenant parfois part à des interactions « promiscuitaires ».

À bien des égards, cette recherche confirme les connaissances traditionnelles des peuples autochtones qui vivent aux États-Unis, au Canada et en Russie. Des tribus comme les Yupik et les Iñupiat savent depuis longtemps que les bélugas et leurs familles reviennent aux mêmes endroits chaque année. Les Yupik en particulier estiment que le béluga désire ardemment revenir à la terre. Ils donnent à leurs ossements un traitement rituel après la chasse pour leur permettre de faire cette transition.

« La connaissance de l’apprentissage social, de la parenté et des traditions chez  les bélugas permettra de mieux comprendre comment cette espèce perçoit son environnement et comment elle est susceptible de réagir aux changements », ajoute O’Corry-Crowe.
« Les résultats que nous avons obtenus élargissent également notre compréhension de la manière dont des sociétés mammifères non primates sophistiquées peuvent exister et l’importance de la culture pour la survie de ces espèces. Les résultats influenceront également notre réflexion sur la façon dont les populations locales et l’espèce toute entière vont s’adapter aux bouleversements environnementaux dramatiques. Il y a peu d’endroits au monde où la situation est la plus modifiée aujourd’hui que les régions polaires en fonte rapide« .
L’étude a été publiée en ligne dans la revue PLoS ONE.


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