Delfinariu de Constanta : les deux dauphins de l’Indopacifique
Le Bassin des Suicides au Delfinariu de Constanta
Delfinariu cherche dauphins pour ses nouveaux bassins
Le Delfinariu Constanta en Roumanie va agrandir ses bassins. Cette extension permettra au micro-delphinarium roumain d’accéder enfin aux normes européennes et d’accueillir au moins 6 dauphins.
Selon son directeur Adrian Bîlba, certains de ces cétacés pourraient venir de Barcelone, qui va fermer son delphinarium.
« A l’arrière du delphinarium, nous allons construire une piscine de trois millions de litres reliée au grand bassin, où six dauphins pourront habiter. Avec cette piscine géante, nous respecterons les normes européennes et nous serons en mesure d’obtenir gratuitement plus de dauphins. Il existe plusieurs delphinariums en Europe qui manquent de place pour héberger leurs trop nombreux dauphins. Ils seront heureux de nous transférer leurs surplus. J’ai reçu déjà des promesses fermes à propos des six dauphins de Barcelone, à condition que nous construisions ce grand bassin de spectacle » a encore déclaré Biblia.
«Nous rappelons qu’il y a presque deux ans, la nouvelle piscine couverte a été inaugurée, qui est deux fois plus grande que l’ancienne. La modernisation du nouveau bâtiment faisait partie d’un programme géré par le Conseil du comté de Constanta, avec des fonds européens.
Si, auparavant, le delphinarium avait 600 places dans les jardins, sa capacité a été étendue à 1 300 places et il est désormais complètement couvert. Les spectateurs disposent de sièges individuels de haute qualité qui ont des couleurs qui ne sont pas visuellement agressives pour le spectateur, mais surtout pas pour les mammifères marins (qui ne voient pas les couleurs NDT).
Le bassin principal compte 1 200 mètres cubes et est relié à un bassin de rétention de plus petite taille, d’une capacité de 180 mètres cubes, où les dauphins pourront se tenir avant d’entrer dans les spectacles ».
Le bassin des suicides
Les dauphins de Barcelone en Roumanie ?
En fait, le delphinarium de Barcelone n’exhibe que quatre dauphins, une femelle âgée avec son dernier enfant et deux jeunes mâles nés sur place. Deux autres dauphins sont en location à l’Oceanografico de Valence, en Espagne. Mais il s’agit là, comme dans la plupart des delphinariums européens, de Grand dauphins de l’Atlantique, issus des eaux de la Floride ou des Caraïbes.
En Roumanie, il ne reste plus dans les piscines minuscules du Constanta Delfinariu que deux dauphins de l’Indopacifique, arrivés de Chine et plus que probablement de Taiji. Néanmoins, on trouve des groupes hétéroclites de dauphins de sous-espèces différentes.
Ainsi, en Grèce, ce sont des dauphins de la Mer Noire (Tursiops ponticus) venus de Lituanie qui partagent les bassins du delphinarium d’Attica en Grèce avec de Grand Dauphins de l’Atlantique issus du par Astérix et d’un ancien delphinarium en Finlande. Et cela ne semble pas très bien fonctionner, si l’on on en juge par la mort du vieux mâle finnois et le départ précité envisagée pour sa compagne.
Du temps du communisme, les dauphins étaient régulièrement pêchés en Mer Noire avant de venir mourir très vite dans ce delphinarium roumain
Le Constanta Delphinariu en Roumanie
L’unique delphinarium roumain, connu sous le nom de Constanta Delphinarium ou Delfinariu Constanta, s’est ouvert en 1972, quand un marsouin commun et deux dauphins communs capturés en mer ont été amenés dans l’établissement.
En 1988, 6 grands dauphins capturés en Mer Noire les rejoignent, tandis que la CITES enregistre peu après l’importation de 3 autres cétacés en provenance de Russie. Un dauphin commun est également importé dans le même temps, dont l’origine reste inconnue.
12 dauphins au moins (Tursiops et Communs) et un petit marsouin du nom de Survivor sont morts à Constanta. «Mark», un mâle, fut le dernier dauphin qui s’y éteignit en 2009 à 17 ans. Faute de dauphins, le delphinarium dut fermer ses portes.
Pourtant, dès le 29 mai 2010, il les rouvrait, avec l’arrivée de 3 dauphins de l’Indopacifique en provenance de Pékin, plus que probablement capturés à Taiji.
Les deux dauphins du Delfinariu de Constanta sont sensés être nés ici. Cela semble impossible de naître dans de telles conditions, et plus encore, de parvenir à l’age adulte.
Chen-Chen, Pei-Pei et Ni-Ni avaient été achetés pour 500.000 euros à l’Ocean World Yehliu, qui les avait lui-même acquis au Japon. Pendant plus de 11 heures, ces 3 dauphins avaient été transportés depuis la Chine jusqu’en Roumanie sur un vol de la compagnie Chapman Freeborn. Ils arrivèrent à destination complètement épuisés.
Pei-Pei mourut peu après de « péritonite ».
En 2018, il ne reste donc plus aujourd’hui que deux dauphins japonais captifs en Roumanie, qui exécutent 3 shows par jour.
Parfois, il faut séparer les dauphins. Ce qui ne laisse plus guère d’espace, surtout avec des otaries en plus !
Le Bassin des Suicides au Delfinariu de Constanta
Un rapport scientifique publié sous le titre Dolphins in Captivity : Realities and perspectives par Ligia Dorina Dima et Carmen Gache nous révèle de manière crue les coulisses de ce petit delphinarium roumain.
«Au début des années 70, s’est ouvert à Constanta le premier delphinarium de la côte de la mer Noire. C’est un petit delphinarium qui pendant des années, a exhibé trois espèces de mammifères marins : des marsouins (Phocaena phocaena), des dauphins communs (Delphinus delphis) et des dauphins de la Mer noire (Tursiops truncatus ponticus).
Les causes les plus communes de décès de ces cétacés captifs sont en général, par ordre d’importance :
– les maladies (infections cutanées, hémorragies internes, infection générale interne, maladies cardiaques);
– les accidents (occlusions intestinales, étouffements dus à des objets trouvés dans le bassin);
– la sous-alimentation (rejet de la nourriture ou incapacité d’y accéder à cause de la brutalité des autres);
– le suicide (le dauphin refuse toute nourriture ou bien se heurte aux parois de la piscine jusqu’à ce qu’il meure).
Au Delphinariu de Constanta, la cause de décès la plus fréquente est l’incapacité des dauphins à vivre en captivité.
Les animaux refusent toute nourriture ou se frappent la tête contre les parois du petit bassin jusqu’à en mourir.
En haute mer, la durée de vie des dauphins de la mer Noire est d’environ 30 à 40 ans pour le dauphin Tursiops, de 20 à 30 ans pour le dauphin commun et de 9 à 14 ans pour le marsouin.
Dans des conditions optimales de captivité, les dauphins ont une durée de vie autour des mêmes valeurs. Dans les grands bassins, la durée de vie moyenne de Tursiops truncatus est de 17,5 ans, mais il existe des exemples de dauphins à nez de bouteille de 40 ans.
Au Dolphinarium de Constanta, la durée de vie moyenne est très courte.
– Phocaena phocaena – durée de vie moyenne = 6 mois; la plus grande longévité était de 14 mois;
– Delphinus delphis – durée de vie moyenne = 5,5 ans; la plus grande longévité était de 14 ans de captivité;
– Tursiops truncatus – durée de vie moyenne = 5 ans; l’exemplaire le plus âgé vit toujours après 17 ans de captivité et nous estimons qu’il est âgé d’environ 24 ans (quand il a été capturé, en 1986, nous avons établi qu’il q’agissait d’un mâle adulte d’environ 7 ans).
Malgré le fait que, normalement, le Grand dauphin est l’espèce la plus tolérante à la vie en captivité, dans notre delphinarium, cette espèce ne vivait pas plus que le dauphin commun (Delphinus delphis). Nous essayons de trouver des explications à ces faits. (…)
Dauphins communs exhibés au Delfinariu Constanta
L’un des plus grands problèmes pour la survie en captivité des dauphins est leur adaptation à un nouveau régime alimentaire et l’acceptation d’une nouvelle façon de se nourrir. Les dauphins libres sont des prédateurs et ne mangent que du poisson vivant. En captivité, les dauphins reçoivent des morceaux de poisson de la main de l’homme.
Au Dolphinarium de Constanta, la nourriture est également partagée en cinq rations par jour pendant l’hiver et huit rations par jour pendant l’été. Les dauphins reçoivent ces rations le matin, à midi et le soir mais aussi pendant les spectacles, comme récompenses.
Si l’on considère la biologie des dauphins de la Mer Noire et leur taille, il est évident qu’aucune piscine n’a pour eux de taille optimale. Le volume et les dimensions du bassin d’hivernage sont insuffisants pour abriter un dauphin pendant une longue période. Cependant, c’est dans ce bassin que le dauphin le plus âgé de notre delphinarium, un dauphin de la Mer noire de sexe mâle, hiverne chaque année à partir de 1998.
La piscine couverte ne peut normalement accueillir qu’un seul dauphin.
Quant aux bassins d’été, ils peuvent convenir pour deux exemplaires de Delphinus delphis ou de Tursiops truncatus, mais avec cette dernière espèce, on est très proche de la limite optimale qui pourrait expliquer la plus grande longévité du dauphin commun par rapport à celle du grand dauphin dans notre établissement. Certains facteurs objectifs ou des raisons économiques peuvent nécessiter l’isolement des dauphins.
Pendant longtemps, notre delphinarium était présent un seul dauphin n’a présenté qu’un dauphin à la fois. Parfois, quand nous avions deux dauphins, nous devions les séparer, parce que l’un des animaux était trop agressif. Durant l’été, nous devions donner deux spectacles pour le public.
La petite taille de nos bassins réclame un nombre limité de dauphins car la surpopulation est un facteur négatif pour ces animaux territoriaux.
En revanche, l’isolement des dauphins est un facteur de stress très important pour ces animaux sociaux.
La réaction la plus fréquente des dauphins placés en isolement est l’hyperexcitabilité, qui s’exprime sous différentes formes.
L’animal peut se mettre à nager de manière incontrôlée et s’exposer alors à des accidents. Parfois, il frappe violemment les parois des piscines, il semble perdre les limites de son espace clos.
Alors, ce dauphin meurt en se brisant le crâne ou la colonne vertébrale.
D’autres fois, l’animal peut refuser de participer au spectacle et se lancer dans des sauts très dangereux, au risque de se tuer sur les bords, pour décharger sa nervosité.
Un très long isolement provoque au contraire l’apathie et l’indifférence totale.
L’animal reste indifférent aux récompenses alimentaires et refuse de s’alimenter. Fréquemment, surtout chez les dauphins captifs de longue durée seuls depuis longtemps, l’équilibre nerveux de l’animal se dégrade : les dauphins frappent différents objets, sautent très haut, battent violemment l’eau de la caudale. Ce genre de comportement était habituel chez notre plus vieux dauphin Tursiops (Mark) au delphinarium « Constanta », même lorsque des humains se tenaient au bord de la piscine.
Mark souffrait parfois de crises de folie qui le faisait bondir en tous sens au risque de se blesser
La qualité de l’eau n’est pas bonne non plus.
Malgré l’existence d’un système de filtrage, le traitement de l’eau utilise une solution de chlorure de sodium (NaCl). L’utilisation excessive de ce type de traitement favorise l’apparition d’allergies, un dessèchement excessif de la peau et des lésions qui augmentent le risque de dermatose. Nous pensons que l’utilisation du CuSO4 et l’augmentation artificielle de la salinité des eaux de la piscine pourrait permettre une bonne qualité de l’eau et améliorer les conditions de vie des dauphins.
Nos spécialistes ont capturé de nombreux dauphins dans les eaux roumaines de la mer Noire avant 1996, mais un seul exemplaire a pu survivre pendant cinq mois.
Habituellement, les dauphins meurent après quelques heures ou quelques jours de captivité. Deux ou trois d’entre eux sont morts à cause de l’énorme publicité qu’ont fait les médias autour de leur arrivée, qui se transforme en un grand événement local. Les klaxons des voitures conduites par des fans enthousiastes mais mal informés, un public nombreux se pressant le long de la route de la côte et autour du delphinarium , tout cela représentait un stress important pour le dauphin, encore sous le choc de sa capture récente.
Ce même genre de publicité a pu contribuer aussi à la mort de jeunes dauphins juste après la naissance, à cause de la présence d’une foule excitée près de la piscine.
En outre, l’obligation pour les femelles de participer aux spectacles jusqu’à la fin de leur grossesse a eu sûrement un impact négatif sur le moment de la naissance et sur la viabilité des delphineaux. (…)
Au cours de ces dernières années, au Dolphinarium de Constanta, une femelle de dauphin Tursiops nous a donné deux naissances viables et deux fausses couches. La première grossesse complète, au mois de mai 2000, s’est terminée par un dauphin mort, étranglé par le cordon ombilical.
La deuxième naissance, en mai 2002, a donné lieu au plus long accouchement jamais enregistré dans notre delphinarium : 12 heures de travail. Les petits dauphins sont morts en cours de route. (…)
Chaque changement dans la vie quotidienne des dauphins en captivité a un impact négatif sur leur comportement et leur psychologie, même les animaux ont vécu pendant de nombreuses années en captivité.
Après 17 ans de captivité, Mark, notre plus vieux mâle Tursiops a encore besoin de trois à quatre jours de repos qu’il doit changer de bassin (pour l’hivernage ou pour la période estivale).
La vie dans un delphinarium – même un idéal – est juste une vie de captivité pour un dauphin.
C’est-à-dire l’éclatement de toute son expérience d’avant le moment des captures, le changement de toutes ses connaissances et de sa vie quotidienne en pleine mer, avec son groupe familier. Il est évident que la survie des dauphins en captivité dépend de nous – l’homme qui les sort de la mer et les amène dans notre monde. Nous devons approfondir notre connaissance de la biologie, de l’écologie et de l’éthologie des cétacés, de leurs besoins, mais aussi de leur état de santé et des qualités des conditions de captivité. Pour cette raison, le personnel humain qui travaille avec les dauphins doit améliorer son expérience et doit réduire l’impact des facteurs de stress de captivité à leurs limites minimales.
PROPAGANDA
Ceaucescu pas mort : la Roumanie aime ses bassins du suicide
« Il n’est pas du tout étonnant que cette institution, considérée, dès sa création, comme la plus importante de ce genre en Europe du Sud-Est, ait été ouverte à l’occasion de la Journée de l’enfance.
Car, au fil des années, ce sont les tout petits que les acrobaties des dauphins de Constanţa ont le plus réjouis. Plusieurs générations d’adultes ont fait, à leurs côtés, un retour à l’âge tendre.
Angela Curlişcă, qui se trouve à la tête d’un des départements du delphinarium, se souvient:
«L’idée d’une telle institution est apparue longtemps avant sa création. Elle a été lancée par l’ingénieur Marcel Stanciu, à l’époque directeur de l’Institut de recherches marines de Constanţa.
Il a pensé présenter au grand public ces beaux mammifères marins : les dauphins. Le delphinarium a ainsi été intégré au musée – au bénéfice des habitants de la ville, qui ont pu non seulement contempler ces animaux intelligents et beaux mais aussi voir les différentes expositions du musée. Il s’agit, entre autres, des dioramas si appréciés par nos visiteurs et de présentations, plus classiques, comme le squelette de la baleine exposé dans le musée. Nous avons même présenté récemment une exposition de cristaux de roche.
Le 1er juin 1972 était ouvert au public le grand bassin – en plein air à l’époque. Actuellement nous sommes en train de le couvrir. C’est toujours là qu’a a été présenté au public le premier dauphin. C’était un exemplaire de la plus petite espèce vivant dans la mer Noire. Il avait été baptisé Harley. Avant d’être amené au Delphinarium, on l’a entraîné dans un autre bassin. »
Au fil du temps, des dauphins appartenant à d’autres espèces ont rejoint Harley – notamment des dauphins communs, qui aiment jouer.
Les visiteurs des premières années se rappellent certainement les groupes de 5 à 7 dauphins de petite taille. Ils émerveillaient pas leur joli coloris et leurs sauts magnifiques.
Les grands dauphins, semblables aux exemplaires à admirer actuellement, ont commencé à arriver au Delphinarium de Constanţa il y a 25 ans. Le dauphin le plus connu et aimé s’appelait Mark. Il est mort il y a quelques années, à l’âge de 30 ans, dont 23 passés en captivité. Lui et ceux qui l’on précédé provenaient de la mer Noire. Aujourd’hui c’est différent.
Angela Curlişcă. « A présent, nous avons deux femelles d’un groupe arrivé il y a 4 ans de Pékin. Elles s’appellent Nini et Chen-Chen, elles ont 9 ans et elles sont nées en captivité. Le public les adore, car elles font de belles démonstrations. Leurs grands-parents étaient nés dans l’océan, tandis que leurs parents étaient, eux, nés en captivité. Quand nous avons entamé des démarches pour trouver des compagnons pour Mark, nous n’avons découvert nulle part des dauphins nés en captivité provenant de la mer Noire. Ou, pour être plus précis, la liste d’attente était trop longue et la législation internationale nous obligeait à faire venir des exemplaires nés en captivité ».
Bien que faisant les délices des visiteurs grands et petits, les dauphins de Constanţa ne sont pas dressés et ne donnent pas de spectacles. Etant amenés au delphinarium dans des buts éducatifs et éventuellement pour la reproduction, ils sont présentés au public dans le cadre de démonstrations lors desquelles les visiteurs voient ce que le dauphin fait naturellement – par exemple les sauts. On apprend pourtant aux dauphins à apporter au public, au bord du bassin, ce qu’ils trouvent dans l’eau : tantôt un cercle, tantôt un ballon. Depuis plus de 40 ans, de nombreux touristes se rendent chaque été au Delphinarium de Constanţa. Pour certains, ces visites font partie des traditions estivales, d’autres franchissent son seuil pour la première fois ».
Mais tous repartent chez eux à la fin de la visite, ce qui n’est pas le cas des dauphins…