La reproduction des dauphins de Risso au Taiji Whale Museum
La reproduction des dauphins de Risso à Taiji n’est décidément pas chose facile.
L’un des premiers bébé nés au Musée de la Baleine de la ville n’a pas survécu plus de vingt jours.
Sa maman porte le nom de Niru. Le papa s’appellerait Siro.
Le delphineau est né le 2 mai dernier derrière les filets de la « mer des baleines », une attraction touristique qui devrait bientôt amener à la création plus vaste d’une véritable « ferme à dauphins » dans la baie.
« Quand Niru a accouché, j’ai vu la petite silhouette nager rapidement à son côté » raconte un dresseur, « Par la suite, le bébé s’est fait quelques égratignures en fonçant dans les filets de cordage, mais rien de grave. Sa croissance semblait se poursuivre normalement.
Ce n’est que le matin du 22 mai que le nouveau-né a commencé à nager difficilement et à s’affaiblir très vite« .
Selon le Musée de la Baleine, l’enfant serait mort vers 22 heures. Il mesurait 144 cm et c’était une femelle.
« La cause de son décès fait l’objet d’une enquête », bien sûr….
La reproduction en captivité des dauphins de Taiji s’inscrit dans le projet plus ambitieux d’une Ferme aux Cent Dauphins annoncée en 2017.
Cette « Mer des Baleines » à très haut potentiel touristique s’appuierait essentiellement sur un programme d’élevage à grande échelle au sein même de la Baie Sanglante. Il s’agirait d’abord de réduire la dépendance de la chasse au rabattage, toujours hasardeuse et coûteuse en énergie, pour produire sur place les dauphins nécessaires à l’industrie du divertissement. Bref, ce que nous faisons en France.
Il s’agirait aussi de rejoindre les rangs des bons élèves, aux ordres de la JAZA.
Les massacres continueront comme de coutume, cela va sans dire, mais ils ne seront plus destinés officiellement aux delphinariums et redeviendront dès lors une respectable activité de pêche traditionnelle, comme aux îles Féroé, que nul ne saurait décemment mettre en cause.
Dès 2012, le Musée de la Baleine de Taiji avait déjà mis en place une attraction en plein air vivement appréciée par les familles japonaises. Dans une zone de baignade appelée Whale Beach au coeur de la baie de Hatakejiri, les visiteurs peuvent désormais nager avec toutes sortes de petits cétacés.
A l’époque, deux dauphins de Risso femelles, Cosmo et Kanna ouvrirent le bal.
Tous les jours pendant 15 minutes, elles furent contraintes de nager dans une cohue de nageurs humains avides de les toucher – bien que ce fût interdit – tout en essayant désespérément d’attraper leur repas de la journée que leur jette un dresseur depuis son kayak.
Elles ont disparu depuis lors.
Au milieu de cette zone de baignade, se dresse une plate-forme flottante, amarrée au fond, qui permet aux visiteurs de se reposer tout en regardant les dauphins. Les dresseurs y prennent place aussi pour organiser des spectacles que l’on regarde depuis la plage.
Chaque année, cette joyeuse attraction doit malheureusement prendre fin le 20 août.
C’est qu’il faut libérer la place pour les pêcheurs-bouchers qui, de septembre à mars, massacreront au même endroit des familles entières de dauphins terrifiés, après en avoir retiré avec violence les plus beaux exemplaires pour les delphinariums.
En 2015, une vidéo nous montre Niru et Ren, son (premier ?) enfant, en train de nager avec Hamata et Yuji.
Hamata et Yuji sont célèbres au Musée, car il s’agit de deux dauphins de Risso, l’un de couleur blanche, l’autre couleur pie, mais nullement albinos comme la petite Angel. Cynthia Fernandez raconte :
« En novembre 2014, deux dauphins de Risso ont été capturés lors des chasses à Taiji – un Risso pie et un Risso blanc. Le dauphin aux taches noires a été surnommé Yuji et le tout blanc, Hamata.
En 2017, après avoir servi à la Plage des Baleines, Hamata a été déplacé dans le Marinarium – un petit bassin entièrement clos qui ne reçoit pas la lumière du soleil, avec un tunnel de passage qui réduit considérablement l’espace à la disposition des dauphins. C’est aussi le bassin où se trouve Angel, un dauphin Tursiops albinos capturé en janvier 2014.
Le 24 février 2018, les Cove Monitors sont retournés au Taiji Whale Museum.
Rien n’aurait pu nous préparer à ce que nous avons vu. Hamata n’interagissait plus. Ou plutôt, il était toujours interactif mais cette fois, au lieu de prêter attention aux humains de l’autre côté de la vitre, il était obsédé par le mur de son tank.
Hamata se cognait la tête contre le béton, reculait, puis se cognait encore. Nous avons été témoins de ce comportement suicidaire à huit reprises. Hamata portait d’ailleurs une plaie ouverte sur le front, avec de vagues traces de pommade dessus.
De toute évidence, il n’en était pas à sa première tentative« .
En février 2018, d’autres images nous montrent Kisu, une pseudorque affamée accompagnée de deux dauphins de Risso, Maron et notre amie Niru, toujours vaillante.
Au moment de la prise de vue, Niru était donc enceinte. Mais on ne trouve plus nulle trace de son petit Ren de 2015, pas plus d’ailleurs que de Cosmo ou de Kanna, disparu des radars. En revanche, on apprend qu’une certaine Satsuki est tombée enceinte cette année.
Les dauphins ne comptent pour rien au Taiji Whale Museum.
On en a tant qu’on veut. La vie qu’ils y mènent est indescriptible en termes de souffrances psychiques. Elle y est aussi très brève.
On ne s’étonnera donc pas que les nouveau-nés n’y survivent guère et que la reproduction n’y soit une chose bien difficile.
Les gérants du Taiji Whale Museum – et le Japon dans son ensemble – ne semblent pas vouloir comprendre que les dauphins pensent et ressentent des émotions.
Faire naître un delphineau dans un semblable enfer, c’est comme d’accoucher dans le camp de Treblinka.
Dans un mois, cette eau sera rouge du sang des dauphins