Industrie de la captivité : les nouveaux empires
En 2015, on estimait que 2.000 dauphins, 227 bélugas, 56 orques, 37 marsouins et 17 faux orques étaient détenus dans 343 delphinariums présents dans 63 pays.
Le plus grand nombre se trouve au Japon (57 delphinariums), en Chine (44), aux États-Unis (34), en Russie (24) et au Mexique (24).
En Europe, 34 delphinariums se partagent aujourd’hui ce marché aux esclaves.
Depuis l’entrée en lice de la Chine, le nombre de cétacés captifs a du considérablement augmenter.
Mais qui ramasse les profits ?
Naguère, nombre de parcs marins étaient de petites entreprises indépendantes, voire familiales.
Seul le delphinarium de Hardewijk disposait de plusieurs filiales en Europe du Nord et était devenu lui-même une sorte d’annexe de SeaWorld aux Pays-Bas. La mondialisation a changé la donne. Peu à peu, les plus petites structures commerciales ont été absorbées par de vastes holdings transnationaux cotés en bourse. Ces empires financiers investissent également dans le divertissement familial sous toutes ses formes, stations de ski, parcs d’attractions, roller-coasters, zoos, aquariums, hôtels, produits touristiques, etc.
Et ceci n’est encore que la face visible de l’industrie de la captivité.
Car au-delà des grandes sociétés tels que Sea Life Park, Sea Life, Dolphin Quest ou Aspro Ocio, d’autres consortiums financiers se tiennent dans l’ombre. Souvenons-nous que deux sociétés rivales et même antagonistes, SeaWorld et Sea Life, appartiennent à un empire bien plus vaste, celui de Blackstone.
De même, derrière Parques Reunidos, se trouve Arle Capital Partners. Et au-delà ?
Qui pourrait le dire ? Les jeux boursiers sont si rapides, les décideurs si immatériels et si insaisissables, si impliqués aussi dans la vie politique que les pistes se brouillent.
Pour les dauphins, les conséquences sont lourdes.
Le fait que tous les cétacés appartenant au même propriétaire peuvent être transférés sans façon d’un continent à l’autre, du moment qu’ils aboutissent dans l’un des parcs de la société, est une porte ouverte à tous les trafics. Quand SeaWorld lancera sa succursale en Chine, ses dauphins auront toutes les chances de provenir de sources locales, c’est à dire de Taiji. Mais rien ne lui interdira de les réexpédier dans ses établissements aux USA. De même, on s’interroge d’ores et déjà sur la provenance exacte de 6 des 11 dauphins du Zoo Aquarium Madrid.
Cuba, Floride, Japon ? Aucune date d’arrivée précise, aucun lieu d’origine. Rien d’étonnant quand on sait que son propétaire, Parques Reunidos, est aussi le patron de SeaLife Park, qui commandait ses pseudorques au Japon…
EN EUROPE
La Compagnie des Alpes perd des plumes.
Elle possède le Parc Astérix mais aussi les parcs d’attractions Walibi, Aqualibi et Bellewaerde en Belgique. Elle détient aussi les domaines skiables de la Plagne, des Arcs, de Chamonix, d’Avoriaz et bien d’autres encore. Pourtant, en décembre 2014, un communiqué de presse annonçait cependant que le groupe cédait le Dolfinarium Harderwijk au groupe espagnol Aspro-Ocio. Le 22 mai 2015, la Compagnie des Alpes cédait Planète sauvage et de La Mer de Sable au groupe Looping pour 15,4 millions d’euros.
Parques Reunidos est un poids lourds.
Son empire s’étend au-delà de l’Atlantique. Le groupe entre en bourse en 1999, et attire l’attention sur cet événement en faisant défiler Plaza de la Lealtad à Madrid, l’éléphante d’Asie Clarisa du Zoo Aquarium de Madrid. Cette initiative reçoit en effet une importante couverture médiatique, après que l’éléphante, gênée par l’agitation et le trafic, ait tenté de s’enfuir avant d’être sédatée au fusil hypodermique et de s’effondrer devant une porte du Palais de la bourse de Madrid. Après son premier jour de cotation, son action chute de 4,5 %. En 2003 il est acheté par la société financière de capital risque américaine Advent International, qui la sort de bourse en 2004.
En 2006 le groupe achète le Marineland d’Antibes,.
Au capital figurent alors également la banque américaine Morgan Stanley, la compagnie d’assurance écossaise Standard Life et l’équipe dirigeante du groupe. En 2007 après avoir acquis le Parc Warner de Madrid, le groupe est vendu au fonds d’investissement britannique Candover Investments, aujourd’hui renommé Arle Capital Partners. Ce fonds d’investissement détient 60 % de Parques Reunidos, le reste étant détenu à parts égales par l’entreprise britannique Bourne Leisure et par l’équipe dirigeante du groupe.
Le 24 août 2007, Parques Reunidos achète le groupe Palace Entertainment à MidOcean Partners pour 330 millions de dollars.
Cette opération fait de Palace Entertainment la filiale américaine de Parques Reunidos. Le groupe reçoit achète ensuite Kennywood Entertainment, la société américaine détenant notamment le parc Kennywood. Depuis 2009, Palace Entertainment — la filiale américaine de Parques Reunidos — gère ainsi les parcs ayant appartenu à Kennywood Entertainment. Le 2 mars 2012, l’entreprise acquiert également Noah’s Ark, le plus grand parc aquatique d’Amérique. En 2014, son chiffre d’affaires atteint 534 millions d’euros, en employant environ 18 000 personnes dans 54 parcs présents dans 12 pays. En juin 2015, il se sépare de l’Oceanogràfic de Valence à la suite d’un conflit financier avec la Cité des Arts et des Sciences.
En décembre 2015, le fond d’investissement britannique Arle Capital Partners qui possède le groupe, souhaite le vendre et demande un prix minimum de 2 milliards d’euros. Parmi les potentiels acheteurs figurent les groupes chinois Wanda et Fosun. Cette vente lui est déconseillée par des conseillers financiers extérieurs à la suite de la situation politique incertaine de l’Espagne après les élections générales de décembre 2015. Comme alternative, le groupe prévoit en 2016 d’être à nouveau introduit en bourse en mai, Arle Capital Partners ayant mandaté la banque Morgan Stanley et la Deutsche Bank pour être les coordinatrices de cet événement.
En Espagne, Parques Reunidos possède cinq établissements zoologiques ː le delphinarium Aquópolis Costa Dorada en Catalogne, les parcs Selwo Aventura et Selwo Marina en Andalousie et enfin les deux parcs zoologiques de Madrid, Faunia et le Zoo Aquarium de Madrid.
L’un d’entre eux, le Zoo Aquarium de Madrid, fait partie des quatre établissements zoologiques espagnols les plus fréquentés et dépasse régulièrement les 900 000 visiteurs annuels.
Bien implanté au Royaume-Uni, il y possède trois établissements ː le Lakes Aquarium dans le Cumbria, le zoo de Blackpool dans le Lancashire et l’Oceanarium Bournemouth dans le Dorset.
Aux États-Unis, le groupe possède le principal delphinarium de l’archipel hawaïen, le Sea Life Park Hawaii ainsi que le Miami Seaquarium en Floride.
Il est également le propriétaire du Mar del Plata Aquarium en Argentine et du Marineland d’Antibes, en France.
Parques Reunidos est impliqué dans le transfert suspect de bélugas et de dauphins, dont certains pourraient provenir du Japon.
Le Sea Life Park de Hawaii qui lui appartient, a d’ailleurs été directement impliqué dans l’importation de fausses orques de Taiji. La compagnie fait pas mystère de son intention d’investir à Dubaï – où croupissent les survivants d’un groupe de 28 dauphins capturés aux Iles Salomon – ou ailleurs en Asie, voire en Russie, qui sait ?
En attendant, il s’est déjà emparé du Miami Seaquarium, qui possède l’orque Lolita, ainsi que des très lucratifs établisssements de Sea Life Park.
Le troisième géant de l’industrie de la captivité en Europe est le groupe espagnol Aspro Ocio.
Aspro Ocio dispose de 41 parcs (delphinariums, parcs d’attractions, aquariums, zoos et jardins botaniques), dont 12 en Espagne et le reste en France, au Royaume-Uni, en Finlande, en Suisse, aux Pays-Bas, en Belgique et au Portugal. Les quatre parcs qui gagnent le plus d’argent sont ceux des Iles Canaries, car ils restent ouverts 365 jours par an. Le moins rentable est sans doute le petit Boudewijn Seapark de Bruges, qui peine à rentabiliser ses dauphins sous dôme. Le groupe vient de s’emparer du Dolfinarium de Harderwijk, jusqu’ici aux mains de la Compagnie des Alpes.
L’effet s’est aussitôt fait sentir, puisque le delphinariu a été prisé de se plier aux règles commerciales du gourpe et d’autoriser les scandaleuses séances de touche-touche avec les dauphins
Mais ce n’est pas assez pour cet empire financier.
En 2013, Aspro Ocio prévoyait de doubler son chiffre d’affaires au cours des cinq prochaines années. C’est ce que déclarait son président, Juan Carlos Smith, dans un communiqué du 7 juillet 2013. Pour ce faire, selon M. Smith, la société espagnole, déjà présente dans plusieurs pays européens, devait atteindre le marché asiatique, celui qui a « le plus fort potentiel de croissance ».
La société engrangeait déjà 179 000 000 euros de chiffres d’affaires, et plus de 30 millions de bénéfices en 2012. Aspro Ocio n’envisage pas l’entrée de nouveaux capitaux, puisqu’il est le groupe européen du secteur avec une plus grande capacité financière.
Aspro Ocio désire donc acquérir de nouveaux parcs en Espagne, dans d’autres pays européens mais surtout sur le marché asiatique.
«Il faut être là, car il s’agit d’un « marché avec une croissance très rapide » conclut le responsable d’Aspro Ocio, lorgnant sur le marché chinois, où TVA et charges salariales sont moins pesantes qu’en Europe.
En 2003, le groupe Aspro Ocio était responsable de la vie de 22.500 animaux, parmi lesquels des tigres de Sibérie. Il va donc s’occuper aujourd’hui des dauphins de Taiji et des orques et bélugas fraîchement capturés en Russie. Sous la houlette de son propriétaire, le delphinarium de Bruges se verra donc associé au sein d’une seule et grande famille, aux cruels delphinariums chinois, japonais ou thaïlandais.
ETATS-UNIS
Aux USA, SeaWorld Entertainement possède 3 parcs aux USA.
Il développe actuellement ses activités vers Dubaï et vers la Chine, mais il reste l’opérateur principal des shows de cétacés aux Etats-Unis.
Il n’est pas le seul sur le marché, bien sûr. Dolphin Quest possède un grand nombre d’établissements hors du territoire américain et il existe un grand nombre d’aquariums indépendants : le Brookfield Zoo, le Clearwater Marine Aquarium, le Georgia Aquarium ou le Gulf World Marine Park. SeaWorld reste néanmoins l’expert incontesté en matière de captivité.
Derrière lui, le groupe Blackstone, bien connu pour ses investissements majeurs parmi lesquels TDC A/S au Danemark, Nielsen Company aux Pays-Bas et les hôtels Hilton. Le groupe est également très présent dans le domaine des parcs de loisirs, grâce à ses filiales Merlin Entertainments et SeaWorld Parks & Entertainment.
Il constitue le principal concurrent de Disney à l’échelle mondiale, lequel Disney, rappelons-le, possède aussi ses dauphins captifs.
RUSSIE
La plupart des delphinariums russes sont gérés par l’Utrish Dolphinarium LTD, la plus grande entreprise de ce type en Russie et sans doute en Europe.
Fondé en 1984, l’Utrish Dolphinarium LTD a organisé les premiers shows de dauphins de la Mer noire dans ses succursales de dans les cités de Novorossiysk et Anapa. On trouve désormasi des delphinariums de cette compagnie à Moscou, St. Petersbourg, Rostov-sur-Don, Vladivostok, Gelendzhik, Sochi et Essentuki.
Il n’y a guère, des antennes de l’Utrish Dolphinarium fonctionnaient en Yougoslavie, Israël, Chili et Argentine. Il y a trois delphinariums à Moscou : celui de l’Utrish Dolphinarium, le delphinarium du Zoo de Moscou et le tout nouveau Moskvarium du milliardaire God Nisanov. Les orques Narnia, Nord et Malishka y sont détenues mais aussi des dauphins de Taiji.
Trois autres compagnies sont actives sur le marché du cétacé esclave : White Sphere, White Whale et Aquatoriya, qui agissent de concert.
White Sphere construit les delphinariums en Russie, White Whale capture les animaux et Aquatoriya gère les delphinariums. Le delphinarium de Sochi est ainsi une « franchise » d’Aquatoriya, identifée comme propriétaire légale de l’orque Narnia.
L’abominable Dolphin World de Makady Bay en Egypte est également aux mains de cette compagnie russe, mais il a été construit par White Sphere.
Lorsqu’on sait que Parques Reunidos est présent en Tunisie et certaines sociétés françaises au Maroc pour le projet de delphinarium à Rabat, on peut imaginer les jeux de conflits et d’alliances qui ont lieu entre ces grandes compagnies internationales.
C’est tout le problème de la mondialisation de ce marché où tous les coups sont permis pour défaire le concurrent, y compris importer des dauphins japonais à bas prix. Mais lorsqu’on sait les relations amicales entre membres de la profession, il est clair que l’échange de sperme congelé et de cétacés vivants entre l’Europe et la Russie est sans doute d’ores et déjà une réalité discrète.
CHINE
À côté des 39 delphinariums déjà en fonction, 14 autres sont en projet dans le pays, ce qui indique le désir croissant du public chinois de voir des cétacés captifs, une nouveauté pour lui.
Fin 2015, l’un des plus grands parcs marins en cours de construction est le Shanghai Haichang Polar Ocean World. Le parc, qui doit s’ouvrir en 2017, est géré par Haichang Holdings Ltd.
Une fois qu’il sera opérationnel, le parc offrira une large gamme d’attractions, qui permettront au public de voir et d’interagir avec les mammifères marins. Le complexe comptera 12 salles à gradins pour les shows et 4 zones d’interaction animale. Les plans initiaux publiés en ligne incluent également le développement d’une «Arène des orques« .
Haichang Holdings exploite actuellement 5 des 39 delphinariums chinois, à Dalian, Qingdao, Tianjin, Wuhan et Chengdu.
La construction d’un sixième parc avec cétacés captifs par une seule et même société démontre la croissance rapide de cette industrie en Chine, et sa popularité auprès du public chinois.
En 2014, Haichang Holdings a noté que la fréquentation de ses parcs avait augmenté de 10,6% par rapport aux chiffres de 2013, estimé à 11.494.200 visiteurs.
Le Chimelong Group, pour sa part, a déjà importé deux orques depuis la Russie.
Mais elles n’ont pas encore fait leur apparition publique à l’Ocean Kingdom, un parc marin gigantesque situé à Hengqin, en Chine. Le Chimelong Group possède également un grand nombre d’autres parcs d’attractions et d’hôtels. Parmi ceux-ci, le Chimelong Circus Hotel qui loue des suites à thèmes….
On peut douter que conservation ou pédagogie conserve le moindre sens dans un tel contexte, à supposer qu’ils en aient jamais eu.
Mais c’est pourtant bien là que se joue l’avenir de l’industrie de la captivité : entre méga-holdings et banques d’affaires, entre marché boursier et politique de l’emploi, entre tourisme et trafiquants d’animaux sauvages.
L’esclavage cétacéen a encore de beaux jours devant lui.
EN SAVOIR PLUS
Compagnie des Alpes
http://www.compagniedesalpes.com/fr/bourse
http://www.compagniedesalpes.com/amf_en/2010%20Reference%20Document.pdf
http://www.compagniedesalpes.com/fr/parcs
http://www.compagniedesalpes.com/fr/dom_ski
http://fr.wikipedia.org/wiki/Compagnie_des_Alpes
Aspro Ocio
http://www.parqueplaza.net/2013/07/el-grupo-aspro-ocio-espera-doblar-su.html
http://www.asproparks.com/portfolio-de-parques/zoologicos-botanicos-delfinarios/
https://dauphinlibre.be/aspro.htm
Parque Reunidos.
http://www.parquesreunidos.com/parques-zoologicos-naturaleza.php
Corée, Turquie, Japon, Russie : le futur des delphinariums est à l’Est
Parques Reunidos envoie Jésus sauver le Marineland d’Antibes
Négociants en dauphins : Johan Markus et les bélugas d’Argentine