
Le delphinarium de Bruges en 2001. Photo Dauphins Libres
Le delphinarium de Bruges dans le rétroviseur
Et pourtant le massacre n’a cessé d’avoir lieu sous leurs yeux…
En 1990, le delphinarium de Bruges voulait exhiber des orques !
Le premier article daté de 1990 nous décrit placidement un drame atroce qui tua trois dauphins lors de l’incendie du vieux delphinarium en 1988.
Ce chapiteau en bois qui abritait également des collections de reptiles s’était effondré en flammes sur Alan, Kiana et Oshi. Les parents moururent étouffés dans leur bassin, mais le petit Oshi survécut quelques jours avant de s’éteindre à son tour au delphinarium de Harderwijk.
Voilà qui ne fait ni chaud ni froid au journaliste Eddy Surmont : il n’a pas assez de mots pour vanter le magnifique delphinarium moderne que l’on va construire et salue la grossesse de Puck.
Près d’elle se trouvaient alors Linda et Tex, venus du Dolfirado en Hollande, ainsi que Kim, Roxanne, Terry et William , directement livré depuis la Floride. Des ces sept-là, seules Puck, Roxanne et Linda ont survécu jusqu’à aujourd’hui, sans doute parce qu’elles ont pu rester ensemble.
L’article nous apprend également que le delphinarium du Zoo d’Anvers envisageait d’ouvrir un nouveau bassin à Planckendael.
Par ailleurs en construisant son « bassin géant » selon les normes de 1990 aujourd’hui bien dépassées, le delphinarium de Bruges entendait posséder des orques !!

Le Boudewijn Seapark avant le grand incendie de 1988
Le plus grand delphinarium d’Europe se construit à Bruges
Pour autant que la météo ne nous réserve pas une période de froid intense d’ici là, le plus grand et le plus moderne delphinarium couvert d’Europe ouvrira ses portes au Boudewijnpark à Bruges avant la mi-mai 1990.
Il remplacera le delphinarium détruit par un incendie, le dimanche 8 mai 1988, dans lequel avaient péri trois dauphins et une collection unique de reptiles.
Avec une surface d’eau de 850 mètres carrés pour un bassin de trois millions de litres d’eau de mer artificielle, avec une capacité d’accueil de mille huit cents spectateurs, le delphinarium de Bruges ne sera pas seulement le plus grand d’Europe… il sera aussi le deuxième delphinarium couvert du monde, après celui de Brookfield Zoo, à Chicago, aux Etats-Unis. Seules des infrastructures en plein air, comme Sea World, en Floride, peuvent accueillir plus de monde.
La construction de ce delphinarium brugeois s’élèvera à quelque cent vingt-cinq millions de francs. Il sera édifié selon les techniques les plus modernes, avec une coupole autoportante d’un diamètre de 64 mètres. Le delphinarium abritera le bassin central dans lequel dauphins, otaries et, dans un stade ultérieur, même des orques amuseront leur public.
Des bassins annexes et un bassin «de quarantaine» seront également construits. Dans une autre partie du bâtiment, on pourra visiter une galerie, abritant une exposition scientifique éducative permanente.
Normes très sévères
Fin 1989, des directives très sévères furent émises, quant aux dimensions minimales des bassins de delphinariums.
Le respect de ces règles est nécessaire pour recevoir l’autorisation de l’organisme américain qui contrôle le marché mondial des dauphins. Seul le delphinarium de Bruges répondrait aux nouvelles normes.
Au Zoo d’Anvers (l’autre delphinarium en Belgique), on songerait à construire une nouvelle installation à Plankendael, près de Malines.
Aux Pays-Bas, on ne compte plus que le delphinarium de Harderwijk. En Grande-Bretagne leur nombre a diminué de dix-huit, il y a vingt ans, à trois aujourd’hui.
Héberger des dauphins dans les meilleures conditions, cela coûte énormément d’argent, affirme Bernard Logghe, directeur du Boudewijnpark. Si en 1973, le parc enregistrait encore plus que trois cent mille spectateurs, leur nombre diminua à cent cinquante mille en 1987. Depuis l’année dernière – deux cent mille visiteurs dans le delphinarium «en plein air» de fortune – une relance semble s’être amorcée.
Puck attend famille
Au chapitre «bonnes nouvelles», on apprit également, à Bruges, que Puck, un des quatre dauphins femelles du Boudewijn-park attendait famille, pour le mois de juin ou juillet. L’heureux papa serait Tex.
Les entraîneurs des six dauphins du Boudewijnpark espèrent que la présence d’un bassin de quarantaine, spacieux et confortable, aura un effet bénéfique, lors de la naissance du bébé dauphin. Il est en effet très rare qu’un dauphin né en captivité survive plus longtemps que quelques jours…
EDDY SURMONT
Note : Cet «exploit» fut pourtant déjà réalisé au Boudewijnpark. Le premier octobre 1987, y naissait en effet Oshi…
Ses deux parents devaient périr dans l’incendie du 8 mai 1988. Le mardi 10 mai, Oshi mourut à son tour de ses brulûres, malgré les soins intensifs qui lui furent prodigués au delphinarium hollandais de Harderwijk.
Baby Boom à Bruges : que sont-ils devenus ?
Dans ce second article daté de 1998, le même Eddy Surmont, indifférent aux drames qui ont déjà frappé le delphinarium en huit ans, s’extasie sur le baby boom qui repeuple le parc !
Il est intéressant ici de chercher à savoir ce que sont devenu les personnages évoqués et les heureux bébés tétant leurs maman.
Normalement, tous les dauphins cités devraient être encore vivants à l’heure actuelle et toujours en contact, même s’ils ne vivent plus ensemble, comme le veut la coutume des dauphins sauvages. Mais comme on le verra, les situations ne sont jamais stables dans un delphinarium. Il n’y a pas de captif heureux…
1998 : Trois nouveau-nés en quelques semaines et un seul père!
Deuxième carnet rose au delphinarium Boudewijn Park de Bruges où, mardi à minuit et quart, Roxanne, 14 ans, a donné naissance à un petit dauphin masculin. Le nouveau-né pèse entre dix et quinze kilos et se porte à merveille, selon Luc Tolpe, entraîneur principal et responsable du plus grand delphinarium couvert d’Europe.
Le bébé, qui n’a pas encore reçu de nom, est le quatrième enfant de maman Roxanne. D’autres enfants à elle, son fils Gorky, 5 ans et sa fille Luna, 19 mois, amusent les milliers de visiteurs qui viennent tous les jours admirer le show acrobatique des pensionnaires du delphinarium brugeois.
Un autre bébé de Roxanne est mort à deux mois et demi. Non de maladie, mais parce qu’il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, explique Luc Tolpe. Par malchance, le jeune s’est retrouvé au milieu d’une bataille rangée entre dauphins adultes. Il a reçu un coup de queue qui lui a été fatal.
Hier, on a officiellement baptisé Flo le bébé dauphin de sexe féminin né il y a dix jours. Il est en pleine forme, comme sa maman Terry, 14 ans. Elle avait déjà mis trois bébés au monde avant Flo mais tous sont morts entre le septième et le dixième jour de leur vie. Toujours suite à des infections incompréhensibles, poursuit Luc Tolpe. Les trois premières semaines de la vie d’un dauphin sont cruciales. Nous espérons vivement que Flo survivra. Elle paraît en excellente santé.
Dans quelques semaines, Puck, 33 ans, mettra à son tour un bébé dauphin au monde. Malgré son âge respectable, Puck n’a eu qu’un seul enfant jusqu’à présent: son fils Skippy, 8 ans, qui amuse les petits et les grands depuis de nombreuses années à Bruges.
Et le(s) papa(s) dans tout cela ? Selon Luc Tolpe, le père de Flo, du nouveau-né et du bébé à venir serait un seul et même dauphin: Tex, 19 ans, qui a été jugé trop fougueux par la direction du delphinarium de Bruges et a été prêté à celui de Harderwijk, aux Pays-Bas.
Avec dix dauphins, conclut Luc Tolpe, nous avons atteint la capacité maximale de nos bassins. En plus, quelques jeunes mâles pourraient bientôt se manifester sexuellement. Nous avons voulu éviter des scènes de jalousie…
E. S.
Archives Le Soir 1998

Le delphinarium de Bruges en avril 2014. Rien n’a été changé dans la structures de base des bassins et du bâtiment depuis 1990.
Le delphinarium de Bruges en 2019
Que sont-ils devenus ?
– Gorky est mort d’épuisement le 5 avril 2003 au Zoo Marine du Portugal. Arraché à sa mère à Bruges, il fut l’un des personnages de la bande dessinée « Tex et Terry » (Bob et Bobette), en même temps que Skippy.
– Sa soeur Luna y a été déportée aussi, avec son frère Marco. Ramenée ensuite en Italie, elle s’est vue séparée de sa maman à tout jamais. En liberté, les filles ne quittent jamais leur mère, sauf à sa mort.
– Tex s’est éteint au Marineland d’Antibes, lors d’un transfert destiné à la reproduction. Plusieurs versions sur les causes de son décès circulent, dont celle du suicide. Sa nouvelle fiancée, Aurore, est morte quelques jours après lui. Depuis lors, le Boudewijn Seapark a retiré le nom de Tex de ses panneaux d’affichages. Les dauphins nés captifs n’ont donc aucun père, sauf Kite, fils de Beachie.
– Skippy est également mort de façon atroce : un champignon l’a transformé en chou-fleur vivant puis peu à peu, lui a bouché l’évent et fait mourir de suffocation. Il en faut de même pour Terry, que le journaliste ne mentionne pas.
– Flo est morte à 13 ans en 2012, d’une prétendue infection dentaire. Personne ne la surveillait quand elle a rendu l’âme.
– L’enfant de Roxanne né en 1998 et cité par le journaliste fut finalement baptisé Marco.
Chez les dauphins libres, les fils rendent visite à leur maman toute leur vie, comme nous le faisons quant nous sommes adultes. Nous ne vivons pas chez eux mais nous aimons les voir de temps en temps et nous prenons soin d’eux. De même, les dauphins adultes restent attachés leur tribu leur vie entière, même s’ils voyagent parfois au loin pendant des années. C’est pourquoi on les appelle des « dauphins résidents ».
Or Marco est aujourd’hui au Portugal, à nager avec des touristes dans un bassin gluant d’huile solaire, sous un soleil de plomb. Il ne reverra jamais sa mère.
– Quant à Roxanne, elle a continué à pondre des enfants morts en bas âge. Des jumeaux mort-nés, deux enfants coup sur coup qui décèdent dans la semaine, cette malheureuse delphine pondeuse en batterie a du enfin subir la disparition définitive de son fils Océan, envoyé dans les piscines de Port Saint-Père au nom d’un prétendu programme de conservation des espèces menacées (ce que le dauphin Tursiops n’est pas). On a réussi à l’engrosser une fois encore en 2015, un vrai record ! Son enfant s’appelle Moana.
Roxanne a déjà bien souffert elle-même de la séparation. Elle n’avait que 3 ans quand on l’a capturée le 6 mai 1988. Moins de deux mois plus tard, elle arriva en Belgique en juillet 1988 et se retrouva enfermée pour toujours, loin du soleil et des vagues, sous la coupole du delphinarium de Bruges.
Notons enfin dans l’article du « Soir » deux détails amusants :
– « La mort d’un enfant de Roxanne est due à une bagarre féroce dans le bassin ».
En liberté, les membres d’une même tribu ne s’affrontent pas. Ils coopèrent pour mieux se battre contre d’autres alliances. En bassin, c’est la loi du plus fort qui règne, et la folie née de la promiscuité.
– « Puck, 33 ans, mettra à son tour un bébé dauphin au monde. Malgré son âge respectable, Puck n’a eu qu’un seul enfant jusqu’à présent: son fils Skippy, 8 ans, qui amuse les petits et les grands depuis de nombreuses années à Bruges ».
L’âge «respectable» est repoussé sans cesse dans la propagande du delphinarium, car Puck est toujours vivante, à plus de 50 ans. C’est aujourd’hui la plus vieille delphine captive au monde, depuis la mort de Nelly en 2014. Elle a encore devant elle plus de 10 ans d’espérance de vie, si l’on s’en réfère aux dauphins libres de Sarasota.
Et elle a beaucoup de la chance : ses deux filles Yotta, née en 1998 et Indy, en 2003, sont toujours auprès d’elle. Et elle est même grand-mère.
Du moins, pour l’instant…