L’emprisonnement dans la glace de mammifères marins est une réalité des mers arctiques. C’est même une des causes de mortalité importantes chez ces animaux. Avec le réchauffement climatique, les orques qui suivent les bancs de poissons s’aventurent de plus en plus loin vers le Nord, loin de leurs routes ancestrales et s’y attardent trop longtemps.
La fonte des glaces leur ouvre de nouveaux terrains de chasse de plus en plus proche du Pôle Nord, mais une brusque chute des températures peut leur couper la route.
Les orques piégées par la glace en Baie d’Hudson
En 2013, une famille de 11 orques est parvenue à s’échapper après une semaine de lutte contre les glaces dans la Baie d’Hudson, au Canada. Leur aventure fut épique et suivie avec passion dans le monde entier.
Les onze orques prises dans les glaces de la baie d’Hudson, au nord du Québec, sont parvenues à prendre le large. Depuis le début de la semaine, ces mammifères étaient bloqués dans les glaces de la baie d’Hudson, dans le Grand Nord québécois, à 1500 kilomètres de Montréal. Leur détresse mobilisait toute la communauté locale inuit regroupée autour du village d’Inujak, qui avait lancé un appel au gouvernement canadien pour envoyer des brise-glaces les libérer. Car le temps pressait: le trou leur permettant de venir à la surface pour respirer s’amenuisait au fur et à mesure que l’eau gelait et les 1800 habitants d’Inujak ne disposaient pas du matériel nécessaire pour leur venir en aide.
Mais, heureusement, «la nouvelle lune a activé un courant marin» qui a ouvert la banquise et créé un chenal jusqu’aux eaux libres de glace, à environ 35 km de là, s’est réjoui Peter Inukpuk, l’édile d’Inukjuak.
Le groupe composé de deux adultes et d’orques plus jeunes avait été observé pour la première fois mardi par un chasseur, qui les avait vus émerger à tour de rôle à travers ce trou à peine plus large qu’un pick-up. La présence de ces animaux aussi loin dans les eaux du Nord est inhabituelle. Les orques fréquentent la côte durant l’été mais c’est la première fois qu’elles sont repérées en janvier dans l’Arctique canadien. Les animaux ont sans doute été piégés par la brusque chute des températures et l’arrivée tardive mais soudaine de la glace, il y a deux jours.
Le ballet des orques en proie à des mouvements de panique a été mis en ligne sur les réseaux sociaux et a suscité émotion et intérêt des médias, incitant le département fédéral des océans et des pêches à envoyer des spécialistes sur place.
Il a toutefois rappelé que l’emprisonnement dans la glace de mammifères marins est une réalité du Grand Nord. C’est même une des causes de mortalité les plus importantes pour ces animaux. «Avec le réchauffement climatique, les orques qui suivent les bancs de poissons dont ils se nourrissent s’aventurent davantage dans le Nord et s’y attardent trop longtemps», a expliqué à la télévision l’expert des baleines, Christian Ramp.
En 2005, des baleines prisonnières des glaces dans l’arctique japonais n’ont pas survécu, de même que des bancs de bélugas qui, bloqués par une étendue de glace dans les Territoires du Nord-Ouest canadien, se sont noyés en 2006 et 2007.
Encore en 2013, les bélugas se faisaient dévorer un à un par les ours blancs penchés au-dessus de leur piège de glace !
Des chasseurs Inuits les ont achevés puis ils ont consommés leur chair.

Bélugas pris au piège des glaces au Canada en 2013. Les ours venaient les pêcher un à un. Pur cauchemar…
Mais pourquoi les orques japonaises n’ont-elles pas survécu en 2005 ?
Retour sur un drame terrible, qui remet en lumière l’extraordinaire solidarité qui lie les cétacés….
Les orques japonaises piégées par la glace
Le 10 février 2005 , une tribu de douze orques s’est vue dramatiquement piégée par la glace le long des côtes de la péninsule de Shiretoko, non loin de la ville de Rausu, au Nord-Est d’Hokkaido, Japon. Les vents du nord ont brusquement amené vers les berges des quantités de glace, ce qui semble avoir surpris les grands cétacés.
Une seule orque femelle de quatre mètres a pu se dégager et regagner le large malgré ses blessures mardi matin, tandis que les onze autres mouraient lentement de froid et d’épuisement. Les tentatives de sauvetage menées par les autorités japonaises,ont été rendues très difficile du fait des conditions climatiques extrêmes qui régnaient alors. Les cadavres des orques ont été expédiés vers diverses universités et instituts de recherche japonais. Il est apparu que le groupe comptait une matriarche de 59 ans, un mâle et cinq femelles adultes, trois bébés et deux ou trois individus non identifiés dont le corps a coulé.
L’Aquarium de Port Nagoya a pour sa part réussi à se procurer les organes génitaux de l’orque mâle afin d’en prélever le sperme et de l’injecter par insémination artificielle à leur orque captive, nommée Ku, la dernière survivante des « Cinq de Taiji » capturés en 1997.
Quant à l’orque qui a pu s’échapper rescapée, elle était sérieusement blessée par la glace et sans doute affreusement traumatisée par ce drame qui la prive de toute sa famille d’un coup. Son avenir est donc très incertain.

KUSHIRO, Japan – 12 orques piégées par la glace dans le Détroit de Nemuro Strait,au large d’Hokkaido, le 7 février 2005.
C’est sans doute la solidarité qui a causé la perte de cette petite tribu de cétacés.
C’est ce qu’affirme en tous cas le naturaliste japonais, Kotoe Sasamori, attaché au Volcano Bay Marine Animals Watching Association à Muroran, Hokkaido. Cet homme a commenté, heure après heure, la lente agonie des orques pour les besoins de la télévision japonaise. Sasamori a notamment déclaré qu’un ou plusieurs des enfants de la tribu devaient être malades, ce qui a donc amené les adultes à demeurer auprès d’eux.
Un plongeur qui tentait de sauver les cétacés a découvert le corps d’une orque femelle flottant en surface, comme si elle vivait encore, et qui tenait sous son ventre, serrée entre ses nageoires, le cadavre d’une bébé.
Sans doute tentait-elle ainsi de le protéger de la tenaille des glaces qui se refermaient sur eux. Par ailleurs, des scientifiques ont examiné les corps et se sont rendu compte que l’un des bébés souffrait d’une terrible plaie à la mâchoire, tandis qu’un autre présentait de grave problèmes au niveau des reins et des glandes surrénales.
Selon Erich Hoyt, co-directeur du « Far East Russian Orca Project« , ce type de comportement ne devrait pas nous surprendre.
Il est bien connu que les « baleines tueuses » n’abandonnent jamais un membre de leur famille lorsqu’il est en difficulté. « Il est probable que la tribu d’orques à Hokkaido a voulu rester aux côtés d’un ou de plusieurs de ses enfants qui agonisaient sur place. Ils n’ont pas vu venir les glaces et ils sont tous morts à leur tour, au nom de la solidarité familiale « .
Lors de l’autopsie, les scientifiques ont également découvert dans l’estomac des orques adultes des fragments de viande de phoque.
Ce fait a conduit certains à penser que, faute de nourriture suffisante disponible au large, les épaulards se seraient rapproché excessivement des côtes à la recherche de nouvelles proies.
Pourtant, on les a déjà observées en train de chasser diverses espèces de pinnipèdes dans cette région dès le mois de février, mais jamais avec des conséquences aussi dramatiques.
Bien au contraire, un pêcheur local a souvent vu des orques bondir sur un morceau d’iceberg pour le déstabiliser et en faire glisser le phoque qui s’y était réfugié. Ceci indique que ces grands dauphins carnassiers disposent d’une véritable expertise à se mouvoir dans les eaux très froides et à en tirer bénéfice. Comment auraient-ils pu dès lors se laisser bêtement piéger par les glaces ?
Le Japon a décimé un grand nombre de cétacés ces dernières décennies, tant pour fournir ses boucheries que les delphinariums.
On notera donc avec plaisir que cette histoire tragique d’orques prises dans la glace a suscité une immense curiosité au Japon. La télévision régionale d’Hokkaido et la principale chaîne télé nationale ont couvert l’événement heure par heure avec un taux d’écoute extrêmement élevé et beaucoup de messages de sympathie de la part du public.
Le sort terrible des orques piégées a également ému de manière très intense les enfants des écoles japonaises, et tout particulièrement à Hokkaido.
Plus de 20 universités et laboratoires de recherche au Japon vont d’ailleurs continuer à mener leurs investigations pour savoir comment les orques sont mortes, pourquoi elles étaient là, si elles relèvent de la responsabilité des proches voisins Russes ou de celles des Japonais et comment on pourra les protéger à l’avenir de ce genre d’incident dramatique.
(Dauphins Libres 2005)
En 2013, les orques ont fini par s’échapper, à la grande joie des médias regroupés sur la banquise et de millions de citoyens du monde !