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Chasse à l’arc : sport de sadiques ?

Chasse à la lance et chasse à l’arc : le sport des sadiques

Chasse à l’arc : sport de sadiques ?

La chasse à l’arc, un sport de sadiques ?
Ceux qui la pratiquent s’en défendent et n’évoquent que l’aspect délicieusement « primitif » proche du « chasseur des origines » de leur art sanglant. Leurs arcs sont devenus d’étrangers machines de guerre munies de mille gadgets mais la flèche reste une flèche : elle tue moins vite et provoque une agonie plus longue dans la plupart des cas, à moins d’être un champion du monde et de ne jamais rater son coup. 

Certes, « toute chasse est devenue aujourd’hui une activité récréative, une activité de loisir et même parfois un vrai « business ». Elle vise à dépister, à poursuivre, à tuer et à capturer, à l’aide d’une arme à feu, d’un arc ou d’un piège, des animaux appelés soit « gibiers », soit « nuisibles ».
Dans ce but, certains chasseurs réunis en société gèrent des territoires, les plus grands possibles, à des fins exclusivement cynégétiques afin de pouvoir gonfler leurs tableaux de chasse au-delà des équilibres naturels. Ils déciment les prédateurs, ils nourrissent le gibier dans les bois, ils remplacent, pour le tir exclusivement, le gibier des plaines par des animaux d’élevage qui sont majoritairement importés d’autres zones géographiques, etc. Ce type de chasse crée une faune surabondante et dénaturée, un déséquilibre entre la faune, la flore et les écosystèmes, des dégâts à l’agriculture et à la sylviculture, voire même aux pelouses des jardins dans le cas du sanglier ».

Mais au désastres provoqués par cette chasse-loisir, les tueurs à l’arc ajoutent le plaisir de planter une flèche bien droite dans les chairs vives de l’animal, simulant la chasse ancienne et nécessaire de nos lointains ancêtres. Certains vont même plus loin dans la recherche d’authenticité sanglante et se servent de pieu pour tuer les ours !
Nous n’en sommes pas encore là heureusement, bien qu’en ce temps où la biodiversité s’effondre, les chasseurs n’ont jamais été aussi bien servis par le gouvernement français et que tout reste donc possible..

Interdite en Belgique mais toujours pratiquée

La chasse à l’arc est interdite en Région Wallonne.
Malgré une tentative du Ministre Benoît Lutgen pour l’autoriser en 2005, cet état de fait a été confirmé en octobre 2005 par Mme Joelle Milquet : 
« Ces dernières semaines, vous avez été fort nombreux à m’interpeller au sujet de la question de la chasse à l’arc et son éventuelle introduction en Région wallonne. Vos réflexions ont retenu ma meilleure attention. Il est exact que, dans le cadre de la rédaction d’un projet d’arrêté relatif à la chasse (visant notamment à interdire le plomb dans les zones humides aux fins d’éviter la pollution de l’eau), le Ministre Lutgen a mis à l’étude la question de la chasse à l’arc, pratiquée notamment en France et au Danemark. Conscientisée par cette question, j’ai pu sereinement échanger avec le Ministre qui a parallèlement poursuivi diverses consultations sur le sujet. Nous sommes conjointement arrivés à la conclusion qu’il n’était ni opportun ni nécessaire de permettre l’apparition de ce mode de chasse en Région wallonne. La chasse à l’arc n’est donc nullement autorisée en Région wallonne et le projet de l’introduire s’est révélé inopportun dès le stade des premières consultations ». 

On saluera cette noble volonté d’interdire le plomb dans les zones humides, car il pollue beaucoup, en effet. Mais on se souviendra aussi  que l’idée de Benoît Lutgen a surtout été battue en brèche par le monde associatif.
En revanche, il existe toujours une Fédération Wallonne des Chasseurs à l’Arc (FWCA) qui a pour vocation la formation de chasseurs à l’arc responsables.
Mais pour tirer sur QUI, si ce beau sport est interdit ?

Encouragée en France 

En France, au même titre que la chasse à courre, la chasse au vol, la chasse au piège, la chasse à la glu ou le déterrage de blaireaux, la chasse à l’arc est autorisée.
Mieux même, elle est encouragée auprès des femmes !
« Attraper le faisan avec un rapace ou en décochant une flèche : des techniques cynégétiques qui élargissent le champ des possibles. « Il y a des gens, et pas seulement des femmes, qui n’aiment pas chasser au fusil. À travers cette manifestation, nous voulions montrer à voir les richesses de la chasse, sa diversité » explique  Stéphane Labrouche, président de la société de chasse de Vielle-Tursan. « Et les fauconniers du Tarn-et-Garonne, autant que l’association Artémis des chasseurs à l’arc des Landes, ont eu un succès fou ». 

Après l’abandon de la chasse à l’arc durant plus de deux siècles, cette pratique est réapparue il y a une trentaine d’années environ.
Dès 1985, la LFDA (Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences) informée de l’existence du Bow Hunting Club et l’Association des chasseurs à l’arc région Aquitaine (ACARA), avait commencé un long combat judiciaire afin d’obtenir par voie judiciaire leur dissolution.
Après avoir obtenu satisfaction à hauteur d’appel dans les deux procédures de dissolution, la LFDA enregistra deux revers successifs devant la cour de cassation qui cassa les décisions des premières cours d’appel et renvoya les affaires devant des cours d’appel de renvoi. Ces dernières se conformèrent ensuite aux décisions de la plus haute juridiction.

Alors que la LFDA s’était une nouvelle fois pourvue en cassation contre les décisions des cours d’appel de renvoi, un arrêté ministériel autorisant la chasse à l’arc fut pris par Michel Barnier le 15 février 1995 sous la pression du lobby de la chasse. La cour de cassation en 1996 devait confirmer les appels de renvoi.

La chasse à l’arc est donc officiellement autorisée en France depuis 1995. Initialement encadrée par l’arrêté du 15 février 1995 aujourd’hui abrogé, cette pratique l’est désormais par l’arrêté ministériel du 18 août 2008 « relatif à l’exercice de la chasse à l’arc ».
In « La chasse à l’arc, une pratique ancestrale, écologique mais cruelle »

Il suffit donc à nos flécheurs wallons de franchir le Quiévrain ou de partir en Russie, en Roumanie ou en Afrique.
Rien ne les empêche non plus de s’exercer sur des cibles en Belgique et l’on regrette d’ailleurs qu’ils ne s’en tiennent pas là, car l’art chevaleresque de l’arc peut devenir une voie vers la sagesse quand il ne tue personne.
Mais non ! Nos chasseurs belges ont le goût du terroir. Ils aimeraient tuer près de leur porte et plaident donc pour une modification du décret.

Dévastatrice aux USA 

Pedals, l’ours noir qui marchait debout à cause d’une vieille blessure, a été abattu par un chasseur à l’arc le 17 octobre 2016. Devant l’émotion suscitée par ce meurtre, Raymond Lesniakle, sénateur du New Jersey a rebaptisé « Pedals’ Law » son projet de loi S2702, visant à arrêter les chasses à l’ours noir dans le New Jersey.

Pedals n’était en effet que l’un des nombreux ours tués la semaine dernière à coups de flèches, une pratique cruelle permise en France, interdite en Belgique et ré-autorisée dans le New Jersey pour la première fois depuis des décennies, qui inflige une agonie longue et atroce à ses victimes.
Entre les trois premiers jours de chasse dédié à l’arc et les trois derniers dédiés au fusil, pas moins de 549 ours noirs ont été assassinés.


Une forme d’art, vraiment ? 

La lame de chasse tue par l’hémorragie qu’elle engendre et son efficacité est fonction de l’importance de celle-ci. L’hémorragie causée par une lame affûtée est bien plus intense que celle causé par une balle, qui tue par onde de choc.
L’hémorragie provoque un manque d’oxygène dans le cerveau provoquant ainsi d’abord l’évanouissement et ensuite la mort de l’animal. Si la lame de chasse touche un centre nerveux (cerveau, colonne vertébrale,…), la mort est instantanée.

Le but est donc de pénétrer le plus profondément possible le corps de l’animal, pour atteindre des organes vitaux avec une forte densité de vaisseaux sanguins comme le cœur, les poumons et le foie, de couper ces organes et de produire une hémorragie importante.
Pour ce faire, à part le fait que la flèche doit avoir une énergie cinétique suffisante, les lames de la pointe de chasse doivent être assez solides pour pouvoir traverser les côtes ou des os, être bien affûtées comme des rasoirs et leur largeur de coupe doit être suffisante pour couper un maximum de vaisseaux sanguins ». (…) 

La chasse à l’arc est une activité offrant des expériences de vie très profondes, qui favorise et même nécessite le développement de ses connaissances des animaux chassés, de leurs habitudes, de leur biotope et de la nature en générale.
La chasse à l’arc a sa propre histoire. Son étude et sa pratique contribuent à la compréhension des traditions et du patrimoine culturel.
Sa pratique peut être vue comme une forme d’art et apporter des sensations profondément satisfaisantes permettant de se délasser et de s’écarter des éléments stressants et étouffants de la vie moderne. De plus, le tir à l’arc est aussi une activité sportive qui peut être pratiquée toute l’année et en famille.
La chasse à l’arc, compte tenu de ses particularités de pratique, peut à la fois jouer un rôle complémentaire aux autres modes de chasse, apportant des solutions à des problèmes spécifiques dans le cadre de la gestion de la vie sauvage, ainsi que remplir des fonctions éducatives, récréatives, socio-économiques, esthétiques et même thérapeutiques.(…)

Toute chasse est cruelle.
Même au fusil, aucun coup n’est garanti d’avance. On lira ainsi avec intérêt les informations que nous fournit ce site de la Région Wallonne :
« – Balle d’apophyse : l’animal se renverse, souvent sur le dos, reste immobilisé ou remue légèrement les pattes; il se relève au bout de quelques minutes  et fuit rapidement. Le chasseur tentera d’achever le gibier avant que celui-ci ne se relève; à défaut de pouvoir achever l’animal, il restera très vigilant.
Balle de rein : l’animal s’effondre sur place, souvent de l’arrière-train, se relève et fuit lentement, le sanglier émet parfois des cris».

Il n’y a pas que la souffrance physique.
Chaque animal est un individu unique, inséré dans un tissu social plus ou moins complexe. Un lion que l’on tue, une éléphante que l’on abat, un chevreuil ou un renard mort privent immanquablement d’autres individus de leur présence. Et ne parlons pas ici des parents abattus qui laissent derrière eux une famille en détresse.

Le chagrin est une émotion que nous partageons avec les autres mammifères.
Il faut relire à ce propos «Les émotions des animaux» de Marc Bekoff. En outre, des humains peuvent s’entretuer lors de ces parties de chasse et pire encore, des animaux familiers en sont souvent victimes.

A cet égard, la chasse à l’arc n’est guère différente des méthodes classiques. Elle fait moins de bruit, elle laisse moins de plomb au sol mais surtout, en l’obigeant à se rapprocher au plus près de sa proie, elle donne au tueur l’illusion de retrouver ses racines de chasseur-cueilleur et rend plus difficile – et donc plus excitant – le plaisir de tuer.
Mais plus aléatoire aussi.

 


Le tir à l’arc est aussi une activité sportive qui peut être pratiquée toute l’année et en famille

Se vider de son sang 

Mais qu’en est-il des animaux ? Considèrent-ils eux aussi cette chasse comme une activité sportive, une forme d’art ?
«Il faut savoir que nous devons nous attendre à une agonie d’environ 30 à 45 minutes lorsque la flèche a atteint le cœur ou les poumons » nous explique Glenn Helgeland dans la revue «Fins and Feathers». « Une heure de traque ou plus seront nécessaires si l’animal a été touché au foie. Et il faudra compter huit à douze heures si la flèche a touché le ventre.
Dans le cas où ce ne serait que les muscles de l’arrière-train ou d’autres zones non-vitales qui aurait été touchés, il faudra immédiatement retrouver l’animal et l’achever à l’aide d’autres flèches pour maintenir les blessures ouvertes et faire en sorte que l’hémorragie soit mortelle.
Pour qu’un chasseur à l’arc puisse retrouver facilement le cerf commun qu’il a blessé (par exemple), la perte de sang devra être importante. Un cerf devrait idéalement se vider d’au moins 35 pour cent de son volume sanguin total pour que le chasseur puisse le récupérer rapidement. »

La chasse à l’arc est une pratique cruelle et inhumaine.
L’équipement primitif de l’archer blesse en effet bien plus qu’il ne tue, ceci dans une proportion d’environ 50%.
En d’autres termes, pour chaque cadavre d’animal traîné hors des bois en fin de chasse, un autre animal blessé est laissé dans la nature, où il finira par mourir d’hémorragie au bout de quelques jours ou bien encore rongé par les mouches et les bactéries, au terme d’insoutenables souffrances. Par définition même, le tir d’une flèche dans une cible vivante constitue une manière hasardeuse et méchante de tuer un animal.

QUESTION DE CHASSE
Non seulement la chasse est légale et considérée comme utile par tous les groupes politiques, Ecolo en tête, mais en plus, les animaux sauvages ne bénéficient même pas des dispositions de la loi sur la cruauté envers les animaux !
« La protection des animaux pendant l’abattage ou la mise à mort est régie par le règlement européen 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. Ledit règlement détermine les règles applicables à l’abattage ou la mise de mort d’animaux détenus pour la production de denrées alimentaires, de laine, de peau, de fourrure ou d’autres produits, ainsi qu’à la mise à mort d’animaux dans le cadre de la lutte contre les maladies animales. Il ne s’applique pas à la mise à mort d’animaux dans le cadre d’expériences scientifiques ou d’autres pratiques tels que la chasse ou la pêche, ou encore d’événements culturels ou sportifs ».

Il y a eu tout un débat européen à propos de la souffrance du gibier, qui fit quelques bulles en France mais nullement chez nous. C’est qu’il n’existe en fait AUCUN mouvement spécifiquement anti-chasse en Belgique à l’instar du RAC.
Seul Inter-Environnement Wallonie tient sur ce thème un discours fort, mais non-abolitionniste. La question est complexe et mérite que l’on s’y concentre. Il faut fournir des alternatives, prôner le retour du loup, du lynx et des petits prédateurs en Belgique pour faire le ménage dans les bois. Il faut évidemment cesser de relâcher des faisans, sangliers et autre « gibier », au détriment des riverains et de l’équilibre écologique. Il faut enfin rompre avec la vision fallacieuse de l’homme en tant que «régulateur» de la Nature. Elle se débrouille parfaitement bien toute seule, merci !

A l’heure où partout dans le monde, on massacre les non-humains, dauphins et baleines au Japon, éléphants en Afrique ou chiens de rues en Roumanie, il était bon de rappeler que chaque année, en cette saison, un génocide a lieu sur nos champs et dans nos forêts.
Et que ses victimes peuvent être abattues dans des conditions encore plus cruelles que celles dont « bénéficieraient » les animaux d’abattoir.

Lire aussi :

La chasse en Wallonie


Chasse à l’arc : autorisée en Belgique ? (2005)


Yvon Godefroid