Ce n’est pas Kai-Mook qui sauvera l’espèce

 

Ce n’est pas Kai-Mook qui sauvera l’espèce

A l’instar des dauphins, les éléphants sont des êtres dotés de cultures et d’une très haute intelligence. Ils honorent leurs défunts, respectent leurs aînés, prennent soin de leurs blessés et communiquent entre eux à l’aide d’un langage complexe composé d’infrasons.
La captivité prive donc les éléphants de ce tout qui constitue l’essentiel de leur existence.
Alors qu’en pleine nature, ils parcourent quotidiennement des dizaines de kilomètres pour se nourrir, chercher des puits souterrains ou retrouver d’autres tribus le long de sentiers balisés depuis des siècles, les éléphants des zoos souffrent de solitude et d’un ennui profond, les conduisant parfois aux portes de la folie.
Eux qui vivent normalement au sein de vastes « hardes » sous la guidance d’une matriarche, se voient enfermés en petits groupes mal assortis, ce qui génère nombre de conflits mais aussi d’insondables chagrins : il arrive souvent qu’un transfert de zoo à zoo sépare à jamais des amis de longue date, sans que nul ne s’en soucie.

Les femelles qui mettent un bébé au monde ont le plus grand mal à l’élever correctement, faute d’être entourée par d’autres mères de leur clan et d’avoir appris d’elles les gestes de la maternité. 63% des 120 éléphants d’Asie nés captifs en Europe entre 1902 et 1992 sont morts avant l’âge de huit ans. Seuls 44 d’entre eux, soit 37%, ont vécu assez longtemps que pour atteindre la maturité sexuelle.

En 170 ans, le Zoo de Londres – qui a renoncé aujourd’hui à garder des éléphants, suite aux agressions mortelles sur les dresseurs – n’a enregistré qu’une seule naissance. Il s’agissait d’un bébé mort né.
12.730 éléphants d’Asie ou d’Afrique sont actuellement détenus dans tous les zoos du monde.
En 2012, le nombre de naissances réussies s’est élevée à … 24 !

Photo Zoo d'Anvers

Toute petite et déjà enchaînée… Mais oui, c’est bien Kai-Mook !

De la vaste famille des «Elephantidae» il ne subsiste aujourd’hui que les éléphants d’Afrique et les éléphants d’Asie.
Pouvant vivre jusqu’à 70 ans et peser jusqu’à six tonnes, ils sont aujourd’hui gravement menacés d’extinction, victimes de la destruction de leur habitat et des chasseurs d’ivoire.
Certains parcs africains se financent également en autorisant une chasse « sélective » à certains assassins fortunés. Les captures de jeunes éléphants pour les zoos au Zimbawé a également repris tandis qu’en 2015, le vieux dictateur Robert Mugabe se voyait offrir de la viande d’éléphant et de lions pour fêter ses 91 ans…

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Alors que des projets de réintroduction visent à protéger les pachydermes, des experts britanniques et indiens mettent en avant le mal être de la plupart des éléphants maintenus en captivité, victimes de dépression, de maladies, et ravagés par une mortalité importante.
Pour les spécialistes, il faut repenser de manière urgente un milieu naturel pour les éléphants.

Le Docteur Paul Rees, spécialiste du bien-être animal et qui a notamment travaillé au Nigeria, met en avant une souffrance aiguë des éléphants maintenus en captivité, parfois seuls, très souvent en nombre insuffisant, exposés à la dépression et à une mort prématurée.
Selon la recherche du scientifique de l’Université britannique de Salford, la plupart des éléphants présents dans les zoos sont contraints de vivre en groupe de quatre individus ou moins. Cette situation diffère radicalement de celle rencontrée dans leur milieu naturel où les troupeaux de pachydermes comptent en général plusieurs dizaines d’individus chacun.
De fait, Paul Rees, qui a passé de nombreuses années à étudier la structure sociale de léléphant, avait déjà constaté l’échec du programme de conservation des éléphants en Asie, le plan Elephas Maximus, censé augmenter le nombre des éléphants par le biais d’un regroupement dans des zoos disséminés dans plusieurs zones du sous-continent.

« Les programmes d’élevage en captivité de l’éléphant d’Asie n’ont pas réussi à créer des populations «soutenables».
Les taux de natalité sont faibles et les taux de mortalité des éléphanteaux sont élevés. La population des zoos est très dispersée, avec peu d’animaux qui se déplacent pour aller se reproduire ailleurs.
De nouvelles techniques peuvent augmenter les taux de natalité, mais les prévisions actuelles suggèrent l’extinction démographique de cette population dans les 50 ans à venir. Il serait par ailleurs difficile de justifier que l’on importe des éléphants depuis leurs réserves «durables» en Asie, afin de venir alimenter les programmes d’élevage ex situ où le succès de la reproduction est faible.
Les zoos devraient regrouper tous leurs animaux de toute urgence pour former de vastes unités d’élevage ou accepter que les éléphants d’Asie disparaissent des zoos et que les fonds versés à ces parcs soient plutôt utilisés pour des projets de conservation in situ ».

Rien ne remplace la liberté

 

Aux quatre coins de la planète, et à plus forte raison en occident, les éléphants maintenus en captivité sont confrontés à un mal-être profond, pouvant conduire à des comportements anormaux tels que balancements ou marche en rond. S’en suivent un état dépressif et parfois une mort prématurée. En 2006, 69% des éléphants d’Asie et 80% des éléphants d’Afrique étaient maintenus en groupe de quatre individus au maximum.

Selon Paul Rees, c’est là où le bat blesse, car il est vital que les éléphants soient au moins sept à pouvoir vivre ensemble, ayant un grand besoin de la compagnie de leurs semblables : « Dans la nature, les éléphants se regroupent par communautés de 12 individus en moyenne, le chiffre pouvant parfois être bien plus élevé».  En outre, ces hardes communiquent entre elles, parfois à très longues distances, ce qui conduit plusieurs centaines d’éléphants à entretenir des relations personnelles…

Faut-il alors rénover les zoos ? Pour le scientifique de Salford « ce sera difficile car cela nécessite beaucoup de temps et d’’argent. Il faudra en outre que les zoos trouvent des combinaisons optimales entre les éléphants. Certains d’entre eux viennent de cirques ou de petites structures et sont traumatisés »

Rees insiste aussi sur le peu de succès des reproductions en captivité et met lourdement en doute tout l’argumentaire des zoos qui prétendent « sauver l’espèce au cas où» comme on ose dire à Anvers.
En Inde, plusieurs scientifiques, constatant que les éléphants dans les zoos «meurent plus rapidement, contractent des maladies ou souffrent d’obésité et d’arthrite plus fréquemment que dans leur habitat naturel» font écho au Docteur Paul Rees.
En novembre 2011, suite à des plaintes de militants des droits des animaux au sujet des éléphants, le gouvernement indien a ordonné que tous les éléphants vivant dans les zoos et les cirques soient déplacés vers des parcs animaliers, «des camps déléphants où ils pourront vivre plus librement, sous la protection de formateurs adaptés ».

Plus à l’est, au Vietnam, où les autorités ont été alarmées par la baisse brutale de la population d’éléphants dans certaines régions (souvent domestiqués, soumis à trop de travail et à des rations maigres), des consignes ont été données aux organismes compétents pour protéger le plus strictement possible (au besoin par un éloignement de la population) les quelques éléphants qui auraient commencé à réapparaître à l’état sauvage en bordure de village.
En Thaïlande, des projets ont été mis en place pour adoucir la condition des éléphants captifs.

Même à Planckendael, où l’on prévoit de créer un troupeau de 14 éléphants, ces derniers se verront toujours privés de l’essentiel : la liberté.

Ce n’est pas en se regardant les uns les autres et en tournant en rond toute la journée en se demandant quoi faire que l’on rendra nos éléphants heureux.
Ce n’est pas non plus en les « stimulant » de manière artificielle grâce à divers dispositifs d’enrichissement environnemental que l’on y parviendra. Ce n’est pas enfin en obtenant, de ci de là, un petit éléphanteau – très prisé par le public et par la direction du parc – que l’on repeuplera l’Asie !
La seule et unique solution serait de protéger massivement, avec des moyens financiers importants, les derniers éléphants dans leur pays d’origine. Les rangers qui les défendent aujourd’hui sont armés de vieilles pétoires, face à des terroristes armés de kalachnikov qui financent leur djihad avec de l’ivoire ou de la corne de rhinocéros.
Kai-Mook et sa famille ne sont pas faites pour vivre sous la pluie froide du Royaume de Belgique…

Pairi Daiza

Que les choses soient claires : des milliers de zoos dans le monde abritent 12.000 et quelques éléphants, comme autant de minuscules îlots. Et leur but premier n’est pas de s’unir, mais de faire du profit, pas de sauver les pachydermes.
Un seul exemple : Pourquoi ne rassemble-t-on pas les éléphants de Planckendael avec ceux de Pairi Daïza, pour constituer d’ores et déjà un troupeau plus vaste sur un vaste terrain ?
Parce que le premier zoo se trouve en Flandres et le second en Wallonie, et qu’ils sont concurrents !
S’il y a plus de 2.401 zoos dans le monde exhibant des éléphants captifs, c’est que cela rapporte et c’est tout. Rien à voir avec la préservation de l’espèce.

 

 

Eléphant au Zoo de Lepal.

Partout, des petits zoos fleurissent… car sans éléphants, pas de zoo digne de ce nom, n’est-ce pas ? Ici, au Zoo de Lepal

 


Le cimetière des éléphants